Résumé |
Le Jargon de l'authenticité, texte publié en 1964 par T. W. Adorno, est une charge virulente contre Martin Heidegger et ses épigones. L'auteur y fustige un traitement particulier de la langue allemande, notamment la sacralisation de concepts clés, engendrant ce qu'il nomme le « bavardage » ou le « caquetage » existentiel. Mélange de termes pseudo-philosophiques et populaires destinés à subjuguer, ce jargon devint, dans les années 20, en Allemagne, une pratique linguistique courante, notamment dans les milieux nazis. Au centre de ce jargon, l'« authenticité », notion essentielle de l'ouvrage de Heidegger qu'Adorno analyse dans ses connotations multiples : nostalgie de l'origine, de l'archaïque, mythe de la pureté et de l'incorruptible. Dès sa parution en 1989, la version française du Jargon de l'authenticité sucite des réserves. On déplore des inexactitudes, des contresens (cf. les arguments de Rainer Roechlitz dans « Le Jargon en Français », Critique n° 503, avril 89, pp. 277-281) ; on s'étonne parfois du ton « pro-heideggerien » de la traduction elle-même. Authenticité, donc, ou inauthenticité, ici à plusieurs niveaux, et des implications esthétiques qui intéressent ce numéro d'Inharmoniques. Pour Marc Jimenez, il y aurait une cohérence inquiétante entre la traduction, la critique adornienne de l'authentique et l'effigie de Heidegger placée, sous le nom d'Adorno, en couverture de l'ouvrage français. |