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InHarmoniques n° 7, janvier 1991: Musique et authenticité
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Donner une tribune aux réflexions artistiques sans les réduire à une seule perspective, favoriser des points de repère en proposant des thèmes assez généraux afin de s'orienter dans le paysage musical, privilégier des expériences et des approches précises, mais sans exclusives, tel est le parti d'Inharmoniques qui ne prétend pas être une somme.
Le parcours de ce numéro 7 se déploie très simplement:
Dans un certain sens, la contribution de Philippe Manoury, Le transitoire et l'éternel ou le crépuscule des modernes, qui clôt cette revue, pourrait aussi bien l'introduire, tant elle nous met dans l'ambiance du thème central retenu : musique et authenticité. Que nous dit-il ? Après une courte période d'avant-garde extrême, les années 70 et 80 ont redécouvert que la musique peut être un art d'imitation. Le soi-disant post-modernisme affiche un goût immodéré pour les manipulations les plus osées qui font subir aux motifs d'emprunt de véritables dissections. Certains refusent même l'art des distorsions et prêchent pour une répétition proche de la duplication. Voilà une manière de vivre la création que dénonce Manoury : l'idéal serait d'avoir toujours été là ; rien ne doit troubler une harmonie immuable. La musique est prise au piège de sa propre histoire et de l'incessant recours aux références.
Le poids de la référence dans la société d'aujourd'hui fut justement le dénominateur commun de la réflexion des principaux acteurs d'un colloque tenu en Grande-Bretagne en 1988, dont les actes furent consignés dans un excellent ouvrage dirigé par Nicholas Kenyon, Authenticity and early Music. Nous reproduisons, sous le titre l'Ancienneté du présent et la présence du passé, la contribution lucide et acérée du musicologue Richard Taruskin. A ses côtés, d'autres spécialistes tentent d'aborder avec originalité ce débat si prégnant dans la pensée actuelle. Les analyses des philosophes (Luc Ferry, Marc Jimenez), de l'homme d'art (Denys Zacharopoulos), des musicologues (Charles Rosen, David Osmond-Smith, Jean-Philippe Najarro), mais aussi des interprètes et des compositeurs (Zoltan Pesko, Wolfgang Rihm) apportent des éclairages complémentaires ou dissonants.
Sans vouloir dévoiler la diversité des approches, contentons-nous de prendre parti en pointant quelques-unes des contradictions dans lesquelles semble se complaire notre époque : l'engouement pour les formes du passé et pour la reconstitution supposée de l'esprit d'une époque révolue (du style d'interprétation à la réhabilitation des instruments anciens) ne va-t-il pas souvent de pair avec la dénonciation des avant-gardes contemporaines qui, aveuglées par l'innovation forcenée, auraient perdu toute légitimité et assise populaire, a force d'irrespect envers la tradition ? Quelle place accorderait alors aux créateurs une société qui prônerait une ère nouvelle où l'emprunt, la citation et le retour à la mélodie pure l'emporterait sur tout esprit spéculatif -- donc inauthentique ?
Ce repliement si caractéristique de notre fin de siècle est le fruit d'une pensée visant à rendre l'individu à lui-même, à le délivrer du poids des contraintes planétaires. Elle part d'une perception figée de l'Histoire, comme un tout rassemblant chaque moment de son développement en un processus homogène et unifié sur le plan temporel. Cet authenticisme historique ne résiste pas à l'observation. L'Histoire est d'abord le lieu où se produisent des singularités, des événements, et s'y joue une autre authenticité, celle de l'irrespect peut-être, en tout cas de l'inédit. La création n'est pas à vivre comme partie intégrante d'une structure définie, mais doit être pensée dans une optique où il y a partout et toujours de l'événement et du mouvement -- où il faut chercher à tout moment ce qui fait événement.
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