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La recherche à l'Ircam en 1977

Gerald Bennett

Rapport Ircam 1/78, 1978
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L'IRCAM tient à remercier :

(1) Des comptes rendus détaillés de ces programmes sont disponibles à l'Ircam.

La recherche à l'IRCAM en 1977

La recherche à l'IRCAM en 1977 a porté essentiellement sur la synthèse du son par des techniques digitales. Ce choix se fonde sur de bonnes raisons. Dès les débuts de la musique électronique il y a environ trente ans, les compositeurs se sont efforcés d'obtenir un contrôle de la structure interne du son, afin de composer les sons eux-mêmes au lieu de se contenter de composer avec les sons. Ils ont cru tout d'abord que l'utilisation d'instruments électroniques pour produire et transformer le son allait permettre ce contrôle ; toutefois il est bientôt devenu évident que les sons produits soit par des dispositifs de mesure comme les générateurs de sons, soit par des dispositifs de commande par tension comme ceux des synthétiseurs n'arrivaient pas à la cheville -- en ce qui concerne la complexité ou la subtilité -- des sons instrumentaux ou naturels les plus simples. On pouvait certes se servir de ces catégories de sons pour écrire de la musique, mais les compositeurs sentaient le besoin d'outils plus raffinés et différenciés. L'ordinateur constitue l'un de ces outils. Sa rapidité et sa précision en font un outil d'analyse du son incomparable puisqu'il est capable d'échantillonner un signal plus de 30 000 fois par seconde. Après avoir analysé un signal, on peut partir des nombres qui représentent les résultats de l'analyse et resynthétiser ainsi le signal. En utilisant d'autres nombres on peut synthétiser des sons complètement neufs.

C'est cette possibilité d'un contrôle aussi intime et à des intervalles de temps aussi reserrés qui permet de synthétiser par ordinateur des sons d'une grande complexité, notamment en ce qui concerne l'évolution temporelle de leurs spectres. Une grande partie de la recherche à l'IRCAM pendant l'année écoulée a été consacrée à faciliter l'accès des compositeurs à cet outil.

La recherche sur la synthèse digitale du son a été menée sous trois aspects différents :

  1. Synthèse digitale sur ordinateurs à usage général,
  2. Synthèse digitale sur systèmes spécifiques,
  3. Études psychoacoustiques destinées à faciliter la synthèse.

Synthèse digitale sur ordinateurs à usage général

L'IRCAM a consacré beaucoup d'énergie en 1977 à développer et étendre le programme de synthèse du son MUSIC V mis au point aux Laboratoires Bell par Max Mathews et d'autres. Cette extension de MUSIC V est mise en oeuvre sur un système PDP 10 de la Digital Equipment Corporation. Ce système comprend 192 000 mots de mémoire centrale, environ 30 millions de mots de mémoire sur disque et peut être utilisé en même temps par seize personnes maximum.

Cette version de MUSIC V est en grande partie l'oeuvre de John Gardner. Elle représente une extension de MUSIC V dans les domaines suivants :

Trois compositeurs ont utilisé ce système de synthèse de son pour des compositions faites à l'IRCAM en 1977 :

En plus de ce système, un certain nombre de programmes d'analyse et de transformation du son ont été mis en oeuvre, plusieurs d'entre eux provenant du "Computer Music Group" de "Stanford Artificial Intelligence Laboratories"

Finalement l'IRCAM a terminé les plans de nouveaux circuits pour la conversion analogique/digitale et digitale/analogique avec 16 bits de précision qui seront construits dans le courant du printemps 1978 et installés ensuite sur tous les ordinateurs de l'IRCAM.

Synthèse digitale sur des appareils spécifiques

La synthèse digitale sur ordinateurs à usage général est un outil très riche pour les compositeurs mais qui a le désavantage de prendre un temps considérable. Pour obtenir la synthèse digitale en temps réel, Giuseppe di Giugno, en 1976, a dessiné et construit un système (4A) qui est maintenant utilisé à l'IRCAM. Ce système comporte 256 oscillateurs, 256 modulateurs d'amplitude et il peut engendrer n'importe quelle forme d'onde. La fréquence, l'amplitude et la phase sont contrôlées par un mini-ordinateur PDP11/40. On peut utiliser simultanément quatre formes d'ondes, chacune définie sur 4000 mots. La phase des oscillateurs est calculée par un accumulateur de 24 bits qui donne une résolution de fréquence d'environ 0,002 Hz. La phase est utilisée pour adresser la table de forme d'ondes. La sortie de cette table de 14 bits est multipliée par une fonction d'amplitude de 12 bits ; 24 bits du produit sont retenus.

Pour donner des possibilités plus rapides et plus puissantes, H.G. Alles et G. Di Giugno ont développé un autre système (4B) qui est aussi utilisé à l'IRCAM. Ce système comporte 64 oscillateurs de modulation de fréquence et 15 registres accumulateurs qui permettent l'interconnection des oscillateurs. Il est directement relié à un micro-ordinateur LSI-11 de Digital Equipement Corporation. Les paramètres de contrôle du synthétiseur apparaissent tous dans la mémoire du LSI-11. La fréquence des oscillateurs et les valeurs d'amplitude sont générées par des générateurs de rampes qui calculent des valeurs à un taux de 4 KHz.

G. Di Giugno a commencé récemment la construction d'un prototype plus avancé (4C) qui sera prêt en mai 1978. Le système comporte 64 horloges et des interconnections plus versatiles et sophistiquées. Les générateurs d'enveloppe opèrent à un taux d'échantillonnage de 16 KHz et offriront en plus une mise en échelle continue en temps et en amplitude des fonctions de l'enveloppe. Les systèmes 4A, 4B et 4C peuvent être utilisés comme des générateurs de son en temps réel ou, par exemple, pour rendre plus rapides des programmes de musique généraux : dans ce cas, les échantillons produits par le synthétiseur peuvent être renvoyés dans l'ordinateur à usage général pour un traitement supplémentaire.

Études psychoacoustiques pour faciliter la synthèse

La synthèse digitale requiert de grandes quantités d'informations explicites sur la nature physique du son désiré. Or les compositeurs possèdent de grandes quantités d'informations implicites sur des sons à la fois réels et imaginés, mais leurs connaissances ne sont pas habituellement formulées d'une façon directement utilisable pour la synthèse. L'un des principaux efforts de recherche entrepris à l'IRCAM en 1977 a consisté à développer un outil qui permette aux compositeurs de faire un usage plus direct de leurs connaissances musicales pour la synthèse du son.

L'outil le plus important mis au point l'an passé consiste en un groupe de programmes informatiques appelés ESQUISSES qui ont été conçus par David Wessel et écrits par Bennett Smith. On trouvera en annexe 1 un schéma décrivant la structure générale de ESQUISSES.

Supposons qu'un compositeur ait réuni un matériau sonore relativement important pour une oeuvre sur laquelle il travaillle et qu'il désire en savoir plus sur les possibilités de relations existant entre les divers éléments de ce matériau. Il introduit chaque élément dans l'ordinateur (soit par enregistrement digital, soit par synthèse directe). Puis il décide sous quel aspect il désire examiner son matériau et appelle un programme qui lui présente toutes les paires possibles d'éléments en lui demandant d'évaluer la différence entre les membres de chaque paire suivant cet aspect. En général ces aspects seront des idées complexes dont le compositeur ne connaît pas les corrélats physiques -- par exemple l'agressivité, l'opacité, le poids, la prédominance de sons avec ou sans hauteur. Après avoir demandé ces évaluations le programme prépare une liste des dissimilarités entre chaque élément et tous les autres sous chaque aspect étudié.

Ces listes sont envoyées aux deux programmes standard d'analyse multi-dimensionnelle, KYST et HICLUST. KYST recherche la meilleure représentation bi-dimensionnelle d'une telle liste de dissimilarités. Cela veut dire qu'il recherche la meilleure façon de représenter les différences perçues (par exemple a et b sont très dissemblables, b et c modérément dissemblables, c et a très semblables) par des distances géométriques, construisant de la sorte une carte de l'espace perceptuel dans lequel ces sons sont situés pour ce qui est de cet aspect particulier.

D'un autre côté HICLUST s'efforce d'analyser à quel degré les traits perceptifs sont partagés entre les éléments. (Si l'on se réfère à l'exemple du dernier paragraphe, l'on conclura que a et c ont plusieurs traits en commun ; b et c en ont beaucoup moins et que a et b n'ont virtuellement rien en commun).

L'utilisateur a immédiatement accès à des représentations graphiques de ces deux analyses sur l'écran de son terminal. Il est possible d'affecter à chaque élément sonore une touche du terminal, de sorte que l'utilisateur peut les jouer à volonté et explorer en détail les représentations perceptuelles qui se dégagent de ces analyses.

Finalement si l'utilisateur a exploré son matériau sous plus d'un aspect, il peut recevoir une évaluation d'ensemble d'un espace perceptuel complexe en envoyant les matrices de dissimilarité au programme INDSCAL, qui détermine le nombre de dimensions nécessaires à une bonne représentation du matériau. ESQUISSES présente alors des représentations bi-dimensionnelles de chacune des dimensions importantes par rapport à toutes les autres. Contrairement à KYST, INDSCAL indique une orientation unique des axes de la représentation en montrant également l'importance relative de chaque dimension.

ESQUISSES peut être utilisé aussi bien par des psychoacousticiens que par des compositeurs. Pour le scientifique le programme offre évidemment une façon commode et rapide de réunir des données tout en offrant à des sujets la possibilité d'interagir avec le matériau qui leur est présenté. Toutefois l'intérêt réel de ce type de programme réside dans l'interprétation des analyses, dans la découverte de la nature réelle de l'ordre latent dans les représentations graphiques. Le scientifique s'efforcera de trouver une explication aussi objective que possible en comparant par exemple l'ordre perceptuel à la structure physique des sons. Ainsi lorsque ce programme est utilisé pour tester la perception du timbre, la représentation bi-dimensionnelle des résultats peut être interprétée grâce à l'introduction d'un axe vertical qui correspond à l'emplacement de la plus grande énergie spectrale (que ce soit dans les basses ou les hautes fréquences) et un axe horizontal qui correspond au synchronisme ou au non-synchronisme des attaques des divers partiels d'un son.

Par contre, le compositeur est beaucoup plus libre dans son utilisation de ESQUISSES parce que son interprétation de l'ordre inhérent à sa perception n'a pas à être "objective" ; il peut choisir d'interpréter les représentations conformément à la vision musicale du matériau qui lui parait la plus cohérente. Si le compositeur veut ajuster les éléments de son matériau, ou encore en construire d'autres qui servent de liaison entre les points déjà connus de l'espace perceptuel, ESQUISSES peut l'aider en lui permettant de comparer des éléments nouvellement synthétisés à d'autres déjà connus jusqu'à ce qu'il obtienne les résultats désirés.

Nous nous sommes étendus longuement sur ce projet car ESQUISSES paraît constituer un paradigme important du travail futur à l'IRCAM. C'est un programme qui peut rendre service à la fois aux musiciens et aux scientifiques ; il a été conçu par un scientifique qui est également musicien et la forme finale du projet est le résultat d'une longue évolution à partir d'une première idée, celle d'un programme de tests automatisés -- évolution qui est due en grande partie à l'influence des musiciens de l'IRCAM et à leurs exigences. Nous espérons que ce modèle s'avérera utile pour d'autres projets.

Outre ce grand projet de recherche, l'IRCAM a organise un Symposium sur la Psychoacoustique Musicale du 11 au 13 juillet 1977 en coordination avec le 9e Congrès International des Acousticiens tenu à Madrid à la même époque. Plus de deux cents personnes ont participé au Symposium qui a comporté cinquante-cinq communications. L'IRCAM a pris note avec intérêt aussi bien du grand nombre de chercheurs travaillant dans le domaine de la psychoacoustique spécifiquement musicale que de la qualité générale de leur travail.

Études instrumentales et vocales

Un autre aspect important du travail de l'IRCAM concerne la recherche dans les domaines de l'instrument et de la voix. Pour une part importante, ce travail a dû attendre la finition des studios de l'IRCAM en août 1977. Néanmoins deux projets ont démarré en 1977 et se poursuivront pendant une autre année en tout cas.

Le premier comporte une étude des sons multiphoniques des instruments à vent. Les sons multiphoniques sont ces sons complexes et quelque peu "sales" qui naissent facilement si l'on s'écarte des doigtés et des embouchures standard . Depuis un certain temps les compositeurs s'intéressent à l'exploration de ces sons qui représentent une rupture par rapport au vocabulaire habituel, en particulier pour les bois. Il existe une grande variété de multiphoniques qui vont d'une simple coloration des notes de l'échelle chromatique jusqu'à des sons extrêmement denses et complexes. En même temps il n'existe pas d'explication claire et systématique de la production de ces sons, ce qui veut dire que même si le compositeur entend clairement dans son imagination celui qu'il désire, il ne peut ni le noter ni décrire à l'instrumentiste la façon de le produire (à moins qu'il ne joue lui-même de l'instrument en question), ni être sûr en fait qu'un instrument donné peut fournir le son qu'il recherche.

L'IRCAM a enregistré un catalogue de sons multiphoniques joués et par des bois et par des cuivres. A l'aide de certains outils psychoacoustiques disponibles dans le programme ESQUISSES déjà décrit, on a demandé à divers sujets de classer ce matériau selon des critères comme la densité ou la possibilité de percevoir une ou plusieurs hauteurs clairement différenciées. Il reste maintenant à comparer ce que l'on connaît de l'acoustique des sons multiphoniques et de leur production avec les structures que l'oreille perçoit dans l'espoir que ces structures perceptuelles permettront de développer un schéma pour classer et noter les sons. Ce projet est mené en coopération avec le Laboratoire d'Acoustique de l'Université de Paris VI et le Professeur Émile Leipp.

Le second projet déjà engagé consiste en une étude des capteurs électriques adaptés aux instruments de musique. Il arrive fréquemment dans la musique contemporaine que l'on désire utiliser ce qu'un instrument est en train de jouer soit comme matériau brut à transformer soit comme moyen de contrôler certains processus. Bien qu'il existe de très bons microphones pour capter la transmission aérienne du son, ces microphones sont mal adaptés aux tâches que nous venons de mentionner, car il est virtuellement impossible d'éviter de capter en même temps le son des autres instruments ; ou alors il faut s'approcher si près de l'instrument que le son obtenu est nettement déformé. La solution traditionnelle de ce problème a été jusqu'ici le microphone de contact qui reçoit son signal par contact physique avec l'instrument. Toutefois la qualité des microphones de contact disponibles dans le commerce est généralement médiocre et souvent inadaptée à des travaux sérieux. Le but de cette étude est de proposer des directives pour la construction d'une série de microphones de contact de très haute qualité. Ce travail a commencé peu avant la fin de 1977 et a consisté principalement à développer des techniques de mesures adaptées au projet. Des mesures très complètes ont notamment été menées en ce qui concerne la flûte.

Études sur l'acoustique des salles

Un autre champ de recherches exploré en 1977 a été l'acoustique des salles. Il est clair que l'Espace de Projection de l'IRCAM sera un outil expérimental d'une grande importance pour les études acoustiques. Les premières études démarreront en 1978 et seront menées par Victor Peutz, consultant acoustique du bâtiment IRCAM et responsable de l'acoustique de l'Espace de Projection. Pendant l'année écoulée Peutz a préparé les programmes de mesure qui seront utilisés dans l'Espace de Projection. L'un de ces programmes utilise un nouvel algorithme développé par Peutz pour la détermination du temps de réverbération.

Théoriquement la courbe de réverbération à l'intérieur d'un espace représente une décroissance exponentielle de l'énergie du son due à son absorption par les parois de l'espace. Si l'espace répondait uniformément à l'énergie sonore qui y est introduite, la courbe de réverbération serait une simple courbe exponentielle. Toutefois, les espaces physiques, comme les objets physiques, se comportent très rarement d'une façon aussi régulière et la description précise d'un espace donné a toute chance d'être très complexe. On peut cependant calculer une très bonne approximation des réponses en se fondant sur le modèle mathématique de plusieurs modes de réponses couplés dont chacun contribue plus ou moins indépendamment au temps de réverbération total, certains ayant une décroissance plus ou moins longue.

Le temps de réverbération d'un espace est normalement défini comme le temps nécessaire pour que l'intensité d'un signal acoustique diminue de 60 dB. Cette mesure est difficile à faire si le signal maximum n'est pas supérieur de 60 dB au niveau de bruit ambiant, ce qui est fréquemment le cas à l'extérieur d'un laboratoire. En outre la simple mesure du temps de réverbération est moins utile que la capacité de définir mathématiquement les composantes les plus importantes qui entrent en jeu.

L'algorithme développé par Peutz calcule la décroissance et la force relative des trois composantes qui contribuent le plus à la courbe de décroissance. L'algorithme donne une composante de longue durée, une autre de durée moyenne et une troisième de durée brève pour l'ensemble de bandes de fréquences spécifiées par l'utilisateur. Si la courbe de réverbération peut être définie par moins de trois composantes, le programme en informe l'utilisateur. Ces données permettent une bonne reconstruction mathématique de la courbe de décroissance, reconstruction qui fournit à son tour une grande quantité d'informations supplémentaires tel le temps nécessaire pour remplir acoustiquement l'espace, ou les temps de réverbération fondés sur différentes parties de la courbe.

Ce programme de mesure développé par Victor Peutz dans ses laboratoires de Nimègue en Hollande a été installé à l'IRCAM et sera utilisé pour les études acoustiques de l'Espace de Projection.

Résumés des projets pour 1978/1979

Le travail futur de l'IRCAM continuera selon les axes qui viennent d'être définis et deviendra au fur et à mesure à la fois plus complexe et plus général, offrant des applications utiles à la communauté musicale et à la communauté scientifique. Voici, rapidement esquissés les projets déjà entrepris en 1978 et qui seront poursuivis en 1978.

Le travail se poursuivra sur le système IRCAM de synthèse du son destiné aux ordinateurs à usage général. En particulier le système IRCAM sera proposé à tous ceux qu'il peut intéresser et pourra être utilisé sur n'importe quel mini-ordinateur possédant une quantité minimum de mémoire centrale et de facilités de conversion numérique-analogique. De la même façon ESQUISSES sera également adapté pour l'utilisation sur mini-ordinateur en 1978. Grâce à ces deux systèmes, un outil potentiellement très riche pourra être mis à la disposition d'un grand nombre de compositeurs intéressés.

La construction du synthétiseur digital sera poursuivie. Seront construites prochainement une série d'unités de réverbération et de filtres qui permettront à la fois de réverbérer et de filtrer des entrées instrumentales ou synthétisées en temps réel. Plusieurs problèmes conceptuels relatifs à la construction d'un synthétiseur digital portable sont déjà résolus. Il reste maintenant à explorer deux domaines importants :

  1. Le développement d'un ensemble de possibilités de contrôle des processus de synthèse et de transformation du son (dispositifs d'entrée visuels, gestuels et tactiles).
  2. Plus important encore le développement d'un langage de contrôle souple et extensible pour le traitement du son qui utilise le vaste réservoir de techniques et de connaissances que possède chaque musicien, mais dont il ne peut encore se servir que très rarement lorsqu'il est confronté avec la technologie. Ce projet du développement d'un langage de travail sur le son est bien entendu un projet à long terme. C'est aussi un projet dont la réalisation déterminera le succès ultime de l'investissement technologique considérable que l'IRCAM a placé dans la synthèse du son.

Un projet à long terme sur l'investigation des sons à spectres non harmoniques a déjà démarré. Ce projet revêt un grand intérêt à cause de l'influence évidente et inéluctable de la structure des sons sur le type de hiérarchie et de relations qui peuvent exister entre ces sons. Les octaves, les quintes et les tierces sont évidemment des intervalles privilégiés lorsqu'ils sont joués par des instruments qui ont des spectres harmoniques, c'est-à-dire des spectres dans lesquels les fréquences des partiels sont des multiples entiers de la fondamentale et où ces intervalles sont contenus à l'intérieur des spectres. Joués par des cloches d'église qui ont des spectres non harmoniques, ces octaves, quintes et tierces perdent leurs caractéristiques spéciales. Pour des instruments sans hauteur comme les cymbales ou les tambours, l'idée même d'intervalle est vide de signification.

Pour la synthèse et la transformation du son il sera très important de chercher si des relations hiérarchiques ayant une validité générale peuvent être établies entre des sons à spectres non harmoniques. Si tel est le cas, cela entraînera une avance significative dans le contrôle de la synthèse du son et cela permettra la généralisation de structures -- comme les échelles -- à des objets musicaux qui jusqu'à présent ont paru résister à cette mise en ordre.

Un autre domaine de recherche qui continuera à occuper une place centrale à l'IRCAM est l'acoustique des salles. l'Espace de Projection offre un outil unique pour les études acoustiques et la série de tests complexes destinés à déterminer la performance de base de cet espace constituera en elle-même le premier projet de recherche mené dans cette salle. Un autre projet de recherche utilisera le fait qu'il est possible d'obtenir un changement régulier aussi bien de la quantité d'absorption que du volume de la salle pour étudier avec précision la dépendance du temps de réverbération par rapport à l'absorption, et en particulier pour valider ou invalider les deux règles classiques et apparemment contradictoires de cette dépendance, celle de Sabine et celle de Eyring.

La recherche future ne se limitera pas strictement aux moyens acoustiques mais se dirigera également avec beaucoup de netteté vers la simulation et le le "modelage" d'espaces sonores. Cette simulation n'intéresse pas seulement les architectes construisant de nouveaux bâtiments et de nouvelles salles, mais aussi les compositeurs qui souhaitent incorporer dans leurs oeuvres une dimension spatiale en tant qu'élément contrôlable.

Mais l'Espace de Projection n'est pas uniquement un espace de recherche, c'est aussi une petite salle de concert qui offrira un champ riche et flexible pour la présentation expérimentale de la musique. Une partie importante de la recherche à l'IRCAM dans les années à venir prendra place dans cette salle et permettra d'étudier de nouvelles relations entre compositeur et musicien, compositeur et scientifique, compositeur et public. Une confrontation permanente de musique, de théâtre et de science aura lieu dans cet espace où la réflexion artistique qui est la raison d'être de l'IRCAM trouvera son expression musicale concrète.

Gerald Bennett, Paris - janvier 1978

Annexes

  1. Organigramme du programme ESQUISSES
  2. Liste du personnel permanent musical et scientifique de l'IRCAM en 1977
  3. Liste des musiciens, scientifiques et techniciens ayant travaillé temporairement à l'IRCAM au cours de l'année 1977.

Annexe I
Organigramme du programme ESQUISSES

Le compositeur choisit un
ensemble d'éléments sonores
qu'il peut jouer individuellement
en appuyant sur des touches
(programme KEYS)
Toutes les paires de sons
lui sont présentées.
Les jugements de dissimilarité
sont recueillis
Les dissimilarités sont utilisées
pour donner une représentation
spatiale des sons
(KYST -- analyse multidimensionnelle)
Les dissimilarités sont utilisées
pour produire une
représentation en arbre
(HICLUST -- analyse ultra-métrique)
Le compositeur interprète
la structure spatiale ou/et en
arbre à l'aide du programme KEYS
permettant de jouer un son
quelconque dans l'ordre voulu
Les représentations sont
utilisées en connexion avec des
programmes de synthèse
pour guider la
construction de configurations sonores

Annexe II
Personnel permanent musical et scientifique de l'IRCAM en 1977

Directeur :
Pierre Boulez
Conseiller Scientifique :
Max Mathews

Département Ordinateur

Responsable :
Jean-Claude Risset
Ingénieurs/chercheurs :
James Lawson
Brian Harvey
John Gardner

Département Électroacoustique

Responsable :
Luciano Berio
Ingénieurs/Chercheurs :
Giuseppe di Giugno
David Cockerell
Alain Chauveau

Département Instruments et Voix

Responsable :
Vinko Globokar
Ingénieur/Chercheur :
René Caussé

Département Diagonal

Responsable :
Gerald Bennett
Ingénieurs/Chercheurs :
Andy Moorer
David Wessel
Benjamin Bernfeld
Didier Arditi

Département Pédagogique

Responsable :
Michel Decoust

Coordination Technique

Responsable :
Jean-Pierre Armand
Adjoint au responsable :
Patrick Croix

Annexe III
Liste des musiciens, scientifiques et techniciens ayant travaillé temporairement à l'IRCAM au cours de l'année 1977

Hal ALLES (É.U.) (Laboratoires Bell).
Ingénieur/Chercheur. A conçu et construit avec G. Di Giugno en avril 1977 le premier prototype du système 4B de synthèse du son.
Daniel ARFIB (France) (Université Aix-Marseille).
Chercheur. A travaillé à l'IRCAM en août/septembre 1977 pour tester le nouveau programme Music V et adapter ses propres programmes.
Michèle CASTELLENGO (France) (Laboratoire mécanique/acoustique, Université Paris VI).
Mars/décembre 1977 : étude de la psychoacoustique des sons multiphoniques des instruments à vent.
Jacques DE LATTRE (France) (Chef du service d'exploration fonctionnelle, Hôpital de la Salpétrière, Paris).
Etude électromyographique de la physiologie du jeu pianistique. (Projet soutenu par la Direction Générale à la Recherche Scientifique et Technique).
Martin FROST (É.U.) (Chercheur informaticien, programmeur de systèmes aux Laboratoires d'Intelligence Artificielle de l'Université de Stanford).
A travaillé sur la mise en place de l'éditeur E de l'ordinateur.
Andrew GERZSO (Mexique) (Flûtiste, Mexico).
Travaille depuis le 1er octobre 1977 à la mise au point de directives pour la construction de meilleurs microphones de contact.
Stanley HAYNES (Grande Bretagne) (City University, Londres).
Compositeur et chercheur. A testé en août 1977 les programmes de musique par ordinateur et utilisé le langage de synthèse IRCAM pour son oeuvre "Prism".
Lawrence JOHNSON (É.U.) (Michigan State University).
Etudiant en informatique. A contribué de janvier à juin 1977 à l'installation du software pour la synthèse du son (Music 4B, programme de conception de filtres).
Jacques MEHLER (France) (Directeur du Centre d'Etudes des processus cognitifs et du langage -- École Pratique des Hautes Études).
Étude des bases ontogéniques de la perception musicale, plus particulièrement axée sur la perception du temps chez les nouveaux-nés. (Projet soutenu par la Direction Générale à la Recherche Scientifique et Technique).
Neil ROLNICK (É.U.) (compositeur, prépare un doctorat de musique à l'Université de Californie à Berkeley).
Compositeur invité, travaille sur la mise au point d'un langage de contrôle pour l'utilisation du système 4B de Di Giugno.
Christopher SHEELINE (É.U.) (Études supérieures de musique à l'Université de Stanford).
A travaillé de juillet à septembre 1977 à la rédaction du manuel d'instructions pour l'utilisation de la version IRCAM de Music V.
Bennett SMITH (É.U.) (Michigan State University).
Programmeur. A travaillé sur le programme du système ESQUISSES.
Leland SMITH (É.U.) (Professeur de musique à l'Université de Stanford).
Compositeur et chercheur. A participé d'avril à juillet 1977 à la mise en place de SCORE, langage très efficace pour le codage de la musique dont le produit est directement utilisable par le programme Music V.
Balz TRUMPY (Suisse) (Compositeur, Bâle).
A travaillé de janvier à avril 1977 au développement d'une série de programmes permettant le contrôle global du système Di Giugno 4A.

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