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Documentation musicale et outils hypermédia

Alain Bonardi1, Marie-Hélène Serra2, Michel Fingerhut2

1Université Paris IV-Sorbonne, 5, impasse du Débarcadère - 78000 Versailles
2Ircam, Centre Georges Pompidou, 1, place Igor Stravinsky - 75004 Paris

2e Colloque international sur le document electronique (CIDE'99), 5-7 juillet 1999, Damas (Syrie)
Copyright © CIDE 1999


Résumé
 :

Cet article présente le projet de documentation musicale hypermédia développé pour la Médiathèque de l’Ircam. Il permet de renouveler et d’étendre les approches de l’analyse musicale aussi bien pour le musicologue analyste que pour le lecteur.

Mots-clés : documentation musicale hypermédia, analyse musicale

1.     Introduction

Nous présentons dans cet article le projet de documentation musicale hypermédia lancé récemment à l’Ircam, qui réunit le département Pédagogie (directeur : Marie-Hélène Serra), la Médiathèque (directeur : Michel Fingerhut), le service Documentation (responsable Marc Battier), et un groupe de musicologues (dont Alain Bonardi et Philippe Lalitte).

 

Depuis sa fondation, l’Ircam a développé des méthodologies d’archivage et de documentation garantissant la pérennité des œuvres créées, en leur adjoignant un savoir musicologique. Ce répertoire, nourri des relations entre recherche scientifique et création artistique, s’est progressivement forgé une identité définie par l’expression « musique mixte », née de l’apport des outils informatiques à l’écriture musicale traditionnelle. Différentes formes de documents ont été éditées pour décrire ce répertoire :

–         Les monographies consacrées au parcours d’un compositeur et à l'analyse musicale de certaines de ses œuvres.

–         Divers textes d’auteur, présentant une analyse traditionnelle ou une analyse de la genèse de l’œuvre. Ainsi, lorsqu’un compositeur utilise des outils informatiques, les étapes intermédiaires de l’élaboration sont conservées, et constituent d’intéressants témoins de ses méthodes de travail.

–         Les cahiers d’exploitation contenant les éléments nécessaires à la reprise de l’œuvre, par exemple les schémas techniques montrant la configuration informatique du concert.

 

Avec l’ouverture de la Médiathèque en 1996, s’est engagée une réflexion sur l’avenir de ce corpus documentaire [FING99], c’est à dire son intégration dans l’environnement numérique offert par cette nouvelle bibliothèque musicale. Celle-ci réunit dans un cadre de fonds traditionnels (monographies, périodiques...) et sur un réseau banalisé, des articles et essais, des cédéroms, des disques compacts dans des batteries de jukebox, des enregistrements sonores et des films, intégrés dans un catalogue bibliothéconomique et des bases de données.

 

La simple mise en ligne des documents papier existants ne constitue pas une réponse suffisante ; il est nécessaire de repenser le travail éditorial de façon à profiter de nouveaux moyens tels que l’hypertexte, l’écriture multimédia et la mise à disposition de bases de données. Parmi tous les types de documents désignés, l’analyse musicale, l’une des formes de discours essentielle à la réflexion sur l’œuvre, nous semble la plus appropriée pour en bénéficier. En effet, l’hypertexte, associé à un contexte de bases de données, par sa capacité à ouvrir le champ des références et des associations de sens, guide le lecteur dans une exploration plus approfondie de l’œuvre. L’écriture multimédia, qui rassemble sur un même support des éléments hétérogènes (texte, son, vidéo, partition, logiciels d'informatique musicale), permet d'incorporer le matériau musical à son propre commentaire, ce qui facilite et enrichit la compréhension. Enfin, hypertexte et hypermédia sont particulièrement bien adaptés à l’analyse d’œuvres contemporaines qui font elles-mêmes appel à des méthodes informatiques ; ce qui est précisément le cas des musiques mixtes du répertoire Ircam.

 

Nous avons donc choisi de développer de nouveaux modes d’analyse musicale qui s’appuient largement sur ces technologies.

 

Après avoir resitué les différentes formes d’analyse musicale pratiquées sans outil informatique, nous étudierons les types d’interventions technologiques qui nous ont semblé les plus aptes à élargir l’approche analytique. Nous parlerons de l’écriture hypertextuelle et de la nécessité de consolider le sens par un compromis entre facilité de navigation et contraintes de parcours. Nous évoquerons l'intégration du multimédia dans le corps du texte, grâce aux dispositifs suivants : l'écoute d'extraits de partition avec leur affichage synchronisé à l'écran, l'adressage de disques et de pistes de disques accessibles en ligne, l'instanciation de modules informatiques participant de la réalisation de l'œuvre.


Pour illustrer notre propos nous présenterons l’analyse musicale de Jupiter, œuvre pour flûte solo et électronique de Philippe Manoury (compositeur né en 1952) créée en 1988.

2.                 Analyse musicale et hypermédia

2.1. Les diverses approches de l’analyse musicale

L’analyse musicale vise l’établissement d’un discours rendant compte pour l’analyste de sa lecture de l’œuvre, par l’explicitation de catégories qui lui apparaissent significatives. Pour le lecteur, il s’agit de rapprocher œuvre et discours sur l’œuvre dans un processus d’apprentissage intellectuel et sensible.

 

Les points de vue de l’analyse sont de ce fait très variés. Citons les méthodologies les plus connues :

 

–        L’analyse traditionnelle, à partir de la partition, que nous explicitons ci-après.

 

–        L’analyse d’écoute et de perception, fondée sur le commentaire d’enregistrements de l’œuvre, s’inscrivant dans des catégories de nature plus globale [HAKI91] (style, langage, macro-forme , etc...), et qui pourrait inclure le domaine de la perception sonore (structure et évolution des timbres, etc...).

 

–        L’analyse des manuscrits, esquisses et documents liés à la gestation de l’œuvre.

 

–        L’analyse par modèle formel : il s’agit d’identifier des éléments génériques de l’œuvre musicale, pouvant entrer en jeu dans un double processus d’analyse et de composition [MESN95], avec l’aide d’outils informatiques [CHEM98].

 

–        L’analyse comparative : il ne s’agit pas uniquement de rendre compte de différences et ressemblance entre plusieurs œuvres sous un angle d’évolution historique, mais aussi de proposer des grilles de lecture sorties de leurs contextes habituels. Ainsi, il arrive assez souvent que des œuvres récentes éclairent des œuvres plus anciennes.

2.2. Plan-type d’une analyse traditionnelle

L’analyse musicale traditionnelle sur papier est souvent articulée selon un plan-type en trois temps (introduction, développement, conclusion) assez proche de celui d’une dissertation et comporte en général les rubriques suivantes :


–         introduction

 

Il s’agit de présenter le compositeur et l’œuvre.

 

–         date de composition, date de création et circonstances de la création (lieu, date, musiciens, etc..).

–         éditeur, commande.

–         genre de l’œuvre (musique de chambre, musique symphonique, musique liturgique, etc...).

–         effectif déployé dans l’œuvre.

–         situation de l’œuvre dans la production du compositeur, situation de l’œuvre dans la production de son époque.

–         notes de programme de la création de l’œuvre.

 

Tous ces éléments sont mis en perspective selon une problématique, le plus souvent esthétique[1], qui guidera l’ensemble de l’analyse.

–         développement

 

–         dans le cas de pièces vocales, l’analyse du rapport texte-musique.

–         structure de la pièce et fonction formelle des entités relevées : il s’agit non seulement de relever les différentes parties et sous-parties qui composent l’œuvre, mais aussi, la musique n’étant pas une simple juxtaposition de sections, d’en montrer l’articulation dynamique dans le temps, en caractérisant la fonction de chaque entité au sein de l’ensemble.

–         matériau utilisé par le compositeur : sont ici décrits les éléments de base et les procédés choisis par le compositeur dans cette œuvre, ainsi que la manière dont ces entités sont déployées dans le temps.

–         analyse de points spécifiques : dans le cas d’œuvres de musique classique figurerait ici une analyse harmonique et tonale de l’œuvre; dans le cas d’œuvres du vingtième siècle, l’harmonie peut perdre cette primauté, et d’autres points (écriture contrapuntique, écriture rythmique par exemple) peuvent être développés.

 

–         conclusion

 

Il s’agit avant tout de conclure par rapport à la problématique de l’introduction, ce qui peut se faire de plusieurs façons, les plus usuelles consistant soit à montrer l’unité profonde de l’œuvre malgré ses multiples facettes (exposées dans la partie «  développement » juste avant), soit à préciser l’originalité du compositeur.

2.3. Choix retenus pour la Médiathèque

La plupart des rubriques que nous avons retenues appartiennent au plan-type de l’analyse traditionnelle, à partir de la partition, puisque nous en retrouvons les catégories fondamentales (voir figure 1) :

 

–         tous les éléments de l’introduction : dates de composition, de création et circonstances de la création, éditeur, commande, genre, effectif, situation de l’œuvre dans la production du compositeur, situation de l’œuvre dans la production de son époque, notes de programme de la création.

 

–         dans le développement, sont reprises telles quelles les catégories de rapport texte/musique, de structure, de matériau et de déploiement de matériau dans l’œuvre.

 

Remarquons que ces choix d’analyse musicale, assez classiques, correspondent à un premier mode, simple, de consultation des documentations hypermédia : le lecteur s’installe en Médiathèque avec la partition papier (accessible sur place), en face d’un écran d’ordinateur, muni d’un casque audio lui permettant d’écouter les extraits de l’œuvre. Mais ajoutons tout de suite que cette simple configuration de lecture ouvre déjà de nombreuses possibilités inédites par rapport à l’analyse papier :

 

–         La consultation est plus souple grâce aux liens hypertextuels (cf. paragraphe 3.1).

 

–         La documentation est intégrée dans l’environnement Médiathèque, et permet d’accéder à de nombreuses rubriques sur d’autres œuvres et d’autres compositeurs, ce qui autorise une forme d’analyse comparative des textes et des enregistrements, et permet ainsi le rapprochement d’œuvres  (cf. paragraphe 3.2).

 

–         L’analyse d’écoute acquiert dans cet environnement une autre portée puisqu’il est possible de structurer les enregistrements audio disponibles par des pointeurs accédant à des niveaux signifiants musicalement, de sorte que l’écoute ne soit pas un simple défilement, mais intègre des processus de connaissance de la musique (cf. paragraphe 3.3).

 

–         Il est prévu de permettre l’accès aux patches utilisés par le compositeur assisté par ordinateur soit en phase d’élaboration, soit en « live »  pendant le concert. le lecteur peut alors procéder à une analyse de la genèse de l’œuvre (cf. paragraphe 3.4). Il peut aussi affiner son appréhension du matériau musical.

 

–         Le support informatique des documentations hypermédia autorisera dans l’avenir l’implémentation de modules d’analyse automatique des œuvres, permettant au lecteur de demander à l’ordinateur de vérifier la pertinence d’une hypothèse, par exemple l’existence d’un motif fondamental varié.

3.     Spécifications des analyses musicales hypermédia

3.1.   Cinématique de la lecture de l’analyse musicale

Le processus de lecture dans l’analyse musicale traditionnelle est fondé sur une sédimentation de sens obtenue par un mouvement permanent entre des niveaux de représentation synthétique de l’œuvre, par exemple la première écoute globale, et des niveaux de représentation analytique, par exemple l’étude harmonique au piano d’un détail. Il est tentant de rapprocher ce processus, oscillant entre la vue la plus générale de l’œuvre et le niveau le plus fouillé, du parcours vertical d’un site Web entre la page d’accueil et les pages de détail. Les deux approches sont toutefois différentes, car la structure arborescente de pages contenant de l’hypertexte autorise aussi des parcours non verticaux au gré des liens, ce qui n’est pas le cas dans l’analyse traditionnelle.

 

L’articulation hypertextuelle pose un problème, déjà identifié par de nombreux auteurs (par exemple Bachimont [BACH96] qui qualifie l’hyper-texte hypo-texte), à savoir celui d’une certaine dialectique entre linéarité causale et non-linéarité. Alors que l’écrit sur papier propose un mode de progression par linéarité causale conduite par le mouvement entre ce qui est lu et ce qui est à lire, la documentation électronique hypermédia semble briser ce modèle, en renvoyant l’utilisateur d’une page à l’autre, cueillant des bribes de sens souvent non reliées entre elles. Dans une analyse musicale, l’utilisateur a besoin de passer en permanence d’un niveau à un autre pour enrichir sa connaissance de l’œuvre. L’exemple le plus significatif est l’aller-retour permanent entre présentation détaillée du matériau et présentation de ce même matériau en situation dans l’œuvre. De ce point de vue, le support électronique autorise une réelle souplesse cinématique par rapport au format papier. Ceci étant, il faut contraindre l’exposé à un certain degré de linéarité de façon à ce que la lecture ne diverge pas outre mesure. C’est pourquoi la cinématique du document doit éviter les parcours divergents; pour cela, nous avons choisi la structure suivante (cf. figure 2) :

–         un corps de document dans une page unique affichée dans la fenêtre principale.

–         un bandeau vertical en marge gauche, contenant, comme le montre la figure 1 :

–         les liens vers les têtes de chapitres, permettant un accès direct à l’une d’entre elles dans la fenêtre principale (dans la rubrique analyse musicale, les rubriques structure, matériau, intention poétique).

–         les liens vers d’autres éléments relatifs à Jupiter (informations, notes de programme, glossaire, autres textes, cahier d’exploitation, notes sur la réalisation).


 

Jupiter

de Philippe Manoury

Notice

·           Informations

·           Notes de programme

·           Enregistrements

·           Glosssaire

Analyse musicale

·           Structure

·           Matériau

·           Intention poétique

·           Autres textes

Eléments de production

de l’œuvre

·           Cahier d’exploitation

·           Notes sur la réalisation

 

figure 1 : bandeau vertical en marge gauche

 

–         des pages de détail correspondant aux différentes entrées d’un glossaire d’informatique musicale, auxquelles l’utilisateur accède par aller-retour corps du document->page de détail->corps du document.

 

figure 2 : cinématique de la documentation musicale hypermédia

3.2.   Rapprochement d’œuvres

Il s’agit de favoriser le rapprochement d’œuvres par indexation sur la base de données de la Médiathèque, qui comprend des informations sur plus de 3 000 compositeurs (état civil, biographie, liste d'œuvres…), ainsi que des fiches techniques sur plus de 5 000 œuvres (dates de composition et de création, effectif, genre, durée, éditeur, enregistrements,  notes de programme, analyse…).

 

L'indexation sur les champs significatifs de ces notices documentaires permet d'effectuer de nombreux types de recherche:

-       compositeur: par pays, date ou période (de naissance ou décès), continent, rapport à d'autres compositeurs…

-       œuvres: par genre, effectif (détaillé ou non), année ou période de composition, similarité de genre avec d'autres œuvres, durée, commanditaire…

 

Chaque notice (biographique ou musicologique) comporte des choix préétablis de rapprochement, proposant au lecteur des axes de lecture pertinents. Il lui est toutefois possible aussi de lancer une recherche moins ciblée (exemple : tous les documents, en ligne ou non, textuels ou multimédia, se rapportant à un compositeur quelconque).

 

Si les champs significatifs doivent être pré-définis dans le système informatique de la Médiathèque, il apparaît néanmoins que l’association de tels champs à la demande du lecteur lui ouvre de vastes possibilités de recherche.

3.3.   Incorporation du matériau musical dans le texte d’analyse

L’hypermédia permet d'insérer, dans le corps du texte, des « points d'écoute » d'extraits musicaux pertinents au texte, avec, en option, un défilement synchronisé d'extrait de partition (par exemple: une ou plusieurs portées, en faisant ressortir graphiquement des éléments choisis) se rapportant à cet extrait. C’est ce que présente l’exemple de la figure 3 :

 

figure 3 : « point d’écoute » d’un extrait significatif de Jupiter de Philippe Manoury

Ce dispositif utilise les technologies développées par RealNetworks: Real Audio, pour la diffusion sonore d'extraits préparés ("coupés" d'un enregistrement ou créés en MIDI ou par tout autre mode de synthèse sonore, et convertis au standard requis pour cette diffusion), et SMIL[2] (Synchronized Multimedia Integration Language) pour la synchronisation de divers éléments de flux multimédia (son, diaporama, texte, vidéo…).

 

D'autre part, le dispositif de la Médiathèque référence, toujours à l'aide de liens hypertextuels, des enregistrements complets ou des parties arbitraires d'enregistrements (mouvements, plages, segments de plage…) disponibles sur des disques compacts ou dans des archives sonores en ligne.

3.4.   Incorporation des générateurs du matériau musical électronique dans le texte d’analyse

Il est prévu d'enrichir le texte des analyses par des incrustations de représentation graphique de modules informatiques (patches) servant à générer soit le son électronique, soit une partie de la partition ou encore d'autres éléments calculables de l'œuvre. Le lecteur pourra faire exécuter ces modules tels quels, ou en modifiant certains de leurs paramètres significatifs, pour en comprendre l'importance.

 

Dans l'exemple ci-dessus, le lecteur pourra, en cliquant sur certains patches, agir sur le volume de sortie, sur le déclenchement de certains événements, sur le passage d’une section à l’autre.

 

figure 4 : exemple de patch qui pourrait être interactif

4.      Présentation de l’analyse musicale de Jupiter

4.1.  Organisation globale

La documentation de l’œuvre comporte les parties suivantes (déjà citées dans la description du bandeau vertical au paragraphe 3.1, figure 1) :

 

–         une analyse musicale de l’oeuvre, qui est présentée en détail dans le paragraphe suivant.

–         les éléments d’exploitation de l’oeuvre, c’est-à-dire un ensemble de textes et de schémas explicitant la mise en oeuvre de la partie électronique de la pièce.

–         des textes d’auteurs, préalablement rédigés au sujet de Jupiter.

–         des liens vers d’autres éléments.

4.2.   L’analyse musicale de Jupiter

Jupiter, de Philippe Manoury (né en 1952) est une œuvre pour flûte solo et électronique temps réel créée en 1988 ; elle fut historiquement l’une des premières à permettre un certain nombre d’interactions musicales intéressantes et vivantes entre l’instrumentiste et la machine.

 

Les rubriques retenues dans l’analyse sont les suivantes :

 

–         introduction : l’œuvre est présentée, son originalité est montrée, comme prolongement et renouvellement du genre « classique » du duo de musique de chambre, auquel Manoury donne un nouveau visage, en utilisant une partie électronique.

 

–         l’intention poétique :  dans cette partie est évoquée la poétique du compositeur. Afin de suggérer le contexte de la composition, de tenter d’approcher les motivations de l’artiste, certaines pistes sont proposées. Ici, la dédicace  « à la mémoire de Larry Beauregard[3] », indique que la pièce s’inscrit d’une certaine manière dans la tradition du tombeau musical.

 

–         la structure : nous proposons un schéma synthétique regroupe les différentes sections de Jupiter selon les procédés compositionnels qu’elles ont en commun. Il montre par exemple que les processus rythmiques se déploient entre les sections II (détection) et V (interpolation) d’une part et les sections VII (détection) et IX (interpolation).

 

figure 5 : schéma synthétique des différentes sections de Jupiter de Philippe Manoury

 

–         le matériau : dans une œuvre mixte, le matériau comporte deux aspects inséparables, le matériau classique et le matériau électonique ;

–         le matériau dit « classique » est celui d’une partition traditionnelle pour instruments acoustiques, allant des éléments les plus simples (cellules, cf. figure 6) aux plus développés (phrases, cf. figure 7), tous présentés sous la forme d’extraits de partition écoutables ;

 

figure 6 : la cellule x, exemple de matériau classique simple dans Jupiter

 

 

figure 7 : la phrase A, exemple de matériau classique développé dans Jupiter

 

–         le matériau dit “ électronique ”, qui concerne le traitement par l’ordinateur du signal sonore ou d’informations symboliques. L’ensemble des procédés de traitement est rangé dans un glossaire. Chacune des entrées du glossaire est articulée en deux parties : d’une part une définition scientifique et une caractérisation des effets sonores et musicaux produits par le dispositif, d’autre part, un ou plusieurs exemples d’utilisation dans l’œuvre analysée.

 

figure 8 : présentation du frequency-shifter dans le glossaire de Jupiter, de Philippe Manoury

 

–         le déploiement du matériau : cette section montre comment le matériau du compositeur est agencé dans le temps. Elle s’ouvre sur un tableau synthétique reprenant section par section les éléments du matériau utilisé, permettant d’accéder soit au détail de chaque section, soit au glossaire du matériau électronique. Chaque section de l’œuvre est ensuite analysée en détail :

 

 

figure 9 : analyse de détail de la sous-section IIC de Jupiter, de Philippe Manoury

4.3.   Articulation des pages

Le point d’entrée de la consultation informatique à la Médiathèque de l’Ircam est l’écran d’accueil suivant (figure 10) :

 

figure 10 : page d’accueil du site de la Médiathèque Ircam


Pour accéder par exemple à la documentation sur Jupiter, il faut choisir la rubrique « Dossiers Compositeurs », puis sélectionner Manoury par une recherche sur le nom du compositeur qui aboutit à l’écran. Ensuite apparaît une biographie du compositeur et son catalogue, avec possibilité d’écoute pour certaines œuvres. La sélection d’une œuvre permet d’accéder à sa notice (figure 11)

 

 

figure 11 : notice de Jupiter, de Philippe Manoury

 

A ce niveau, il est possible d’accéder à notre documentation d’analyse.

 

5.     Conclusion

Ce article montre en quoi les technologies hypermédia peuvent susciter de nouvelles approches pour l’analyse musicale. Le musicologue analyste et le lecteur y trouvent de nouveaux moyens d’exploration des œuvres et de nouvelles formes de discours sur la musique, qu’il conviendra de pousser plus avant.

 

Nous tenons à remercier Marc Battier, Vincent Gourson, Serge Le Mouton et Philippe Manoury pour leur collaboration à ces projets de documentation hypermédia.

6.     Bibliographie

[BACH96] BACHIMONT, Bruno, L’intelligence artificielle comme écriture dynamique : de la raison graphique à la raison computationnelle, in Colloque de Cerisy la Salle « Au nom du sens ». Publication à venir

 

[GERV88]GERVAIS, Françoise, Précis d’Analyse Musicale, Honoré Champion, 1988

 

[CHEM98] CHEMILLIER, Marc, et PACHET, François, Analyse de structures, in Recherches et applications en informatique musicale, Paris, Hermès, 1998

 

[DERR95] DERRIEN Jean-Pierre, ODIARD, Patrick, POIRIER, Alain, Philippe Manoury, in les cahiers de l’IRCAM, Compositeurs d’aujourd’hui, n°8, Paris, Ircam, 1995

 

[FING99] FINGERHUT, Michel, The IRCAM Multimedia Library :a Digital Music Library. Publication à venir

 

[HAKI91] HAKIM, Naji, DUFOURCET, Marie-Bernadette, Guide pratique d’analyse musicale, Paris, Combre, 1991

 

[MESN98] MESNAGE, Marcel, Options pour un logiciel commun à l’analyse et à la composition musicales, in Recherches et applications en informatique musicale, Paris, Hermès, 1998

 

[PECQ95] PECQUET, Franck, Musique et technologie, in Actes des Journées d’Informatique Musicale 1995 (JIM’95), Publication du Laforia n°95/13, Institut Blaise Pascal, Université Paris VI, Paris, 1995



[1] Le discours sur la musique en général et l’analyse musicale en particulier ont à toutes les époques emprunté des approches variées (philosophique, métaphysique, politique, analogique, etc…)

[2] Pour les détails techniques, nous renvoyons le lecteur au chapitre 7 du RealSystem G2 Production Guide, intitulé Assembling a Presentation with SMIL, <URL : http://service.real.com/help/library/guides/production/realpgd.htm>

[3] Larry Beauregard, flûtiste de l’Ensemble Intercontemporain, avait travaillé sur des projets d’interfaçage entre flûte et ordinateur, avant de décéder brutalement en 1986