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Philippe Manoury : une référence à suivre...

Danielle Cohen-Levinas

Le Magazine [du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou], n° 53, octobre 1989
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Philippe Manoury appartient à cette génération de compositeurs pour qui la rencontre avec les nouvelles technologies est synonyme d'ouverture, d'émancipation vers un nouveau champ de possibles sonores, déjà amorcé par quelques grands noms, en particulier Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen

« La composition est une nécessité aussi grave que les problèmes de revenus. » (1) Peut-être reconnaissez-vous l'auteur de cette profession de foi désormais célèbre. Il s'appelle Philippe Manoury, né à Tulle en 1952. « Le raffinement du détail et aussi du matériau, je l'ai appris dans Boulez, et le renouveau des conceptions formelles dans Stockhausen. » (2)

Aussi, les recherches qu'il poursuit à l'Ircam depuis 1981 sont-elles le résultat d'un long cheminement, logique, articulé, qui ne dédaigne pas néanmoins les « trouvailles » inopinées dues à l'intuition.

Si l'on observe attentivement l'itinéraire de Philippe Manoury, on constate, d'une part, que son apprentissage musical est traditionnel (3) et, d'autre part, que la présence de l'ordinateur comme aide à la composition apparaît dès 1975, année où P. Manoury entreprend un nouveau cycle d'études avec Pierre Barbaud. Voici donc un compositeur bicéphale qui affirme, dans le cadre des principaux festivals et concerts de musique contemporaine (Royan, La Rochelle, Metz, Paris), une sensibilité de type « instrumentale », en créant des Oeuvres telles que Focus pour dix-neuf musiciens (1973), la Sonate pour deux pianos (1972), Cryptophonos pour piano (1974), Puzzle pour trente et un musiciens (1975), Numéro cinq pour piano et douze instruments (1976), Quatuor à cordes (1978), ou Numéro huit pour cent trois musiciens (1980), et qui, parallèlement, entend octroyer à l'ordinateur des privilèges que la lutherie traditionnelle est impuissante à exprimer et/ou à formaliser. Résultat : Philippe Manoury semble ne pas se plier aux exigences de l'outil technologique, mais l'intègre à une démarche exclusivement créatrice. Autrement dit, la composition est souveraine. Philippe Manoury est un des rares compositeurs de sa génération à conserver -- face aux nouvelles technologies -- son sang-froid, voire même une spontanéité d'artiste qui, loin de raidir son travail, exalte sa mobilité. « Dans la musique informatisée -- précise-t-il, il y a une chaîne qui part du traitement du signal jusqu'à l'aide à la composition. Il est nécessaire que les scientifiques qui s'intéressent au dernier maillon aient un rapport quelconque à la musique. » (4).

A l'inverse de ses maîtres, Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen, Philippe Manoury ne raisonne plus comme un pionnier, « les machines sont désormais utilisées comme des instruments plus puissants et plus conceptuels ». La logique de cette trajectoire compositionnelle se poursuit donc inexorablement. Depuis Zeitlauf, pour douze voix, treize instrumentistes, électronique live et bande de sons synthétisés à l'ordinateur (1982), où, Philippe Manoury après son séjour au Brésil, démontrait, qu'en un an, on pouvait simultanément se familiariser à l'informatique musicale tout en écrivant une Oeuvre de référence, les recherches se concentrent dans le domaine de l'interaction instrument-machine dont le principal but, explique le compositeur, est le développement de systèmes permettant la simulation et le suivi en temps réel des comportements instrumentaux, aboutissant à l'intégration des phénomènes d'interprétation à la composition musicale électroacoustique. L'idée est séduisante, ambitieuse. Là encore, Philippe Manoury ne s'y trompe guère. Ces oeuvres sont comme les jalons progressifs d'une pensée qui s'affine au fur et à mesure qu'elle s'incarne dans une réalité perceptible. A Jupiter pour flûte et 4X (1987), première pièce à faire dialoguer un instrumentiste avec un système de synthèse et de traitement en temps réel, s'enchaîne Pluton pour piano et 4X (1988), oeuvre interactive où l'instrumentiste engendre et contrôle tout l'environnement musical synthétique qui l'entoure. Nous attendons, non sans une certaine impatience teintée de curiosité, le Livre des claviers pour percussions, oeuvre créée en septembre 1988 au Festival Musica, ainsi que la commande du Festival d'automne qui s'inscrit tout naturellement dans le cycle de créations du programme de l'Eic et de l'Ircam.

Les activités de Philippe Manoury ne s'arrêtent pas en si bon chemin. Il est le responsable du département pédagogique à l'Eic, ainsi que professeur de composition et d'informatique musicale au Cnsm de Lyon. Heureux élèves...


Notes

  1. Op. citatum, P. Manoury, Musique française ? dans 20e siècle, Images de la musique française. Editions Sacom et Papiers, 1986, Paris.
  2. Ibidem.
  3. Études de piano avec Pierre Sancan ; composition avec Gérard Condé, Max Deutsch, Michel Philippot et Ivo Malec au Cnsm de Paris.
  4. Op. citatum, Manoury, Boulez et l'Ircam, le temps des reconversions, dans le Monde, 14 juillet 1988.

Cycle de créations 1989. Festival d'automne à Paris. Les 22 et 23 novembre à 20h30. Outre l'oeuvre de Philippe Manoury, deux autres créations de Michael Jarrell et Marco Stroppa. L'Ensemble InterContemporain sera dirigé par Peter Eötvös. Centre Georges Pompidou, Grande salle.

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