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Compositeur-ordinateur-forme active

Brian Ferneyhough

Le compositeur et l'ordinateur, Ircam, Paris, 17-21 février 1981
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Ce qui frappe peut-être le plus, lorsqu'on aborde pour la première fois les rivages de la composition à l'aide de l'ordinateur, c'est le contraste -- sorte de « conjunctio oppositorum  » -- entre, d'une part, une liberté de décision sans exemple, et, d'autre part, une extrême rigueur de conception, de formulation et de réalisation. On peut bien entendu rétorquer que cette vision ne tient plus lorsqu'on se familiarise avec l'état de la recherche actuelle telle qu'elle est appliquée dans la pratique concrète de la composition : il devient alors assez normal de penser que le type de liberté envisagé par certains est le produit d'une idée beaucoup trop imprécise de ce que le medium peut ou non permettre s'il est exploité pleinement. Cependant, c'est à l'intérieur du territoire délimité par ces deux frontières (bien qu'obscurément définies) qu'un nombre de plus en plus significatif de compositeurs sont soucieux d'inscrire leurs investigations personnelles. La confrontation, devenue apparemment radicale, qui s'opère dans un studio informatique entre ces limites imaginées du monde leur semble potentiellement fructueuse, en tant que « système de coordination  » à l'intérieur et au travers duquel leurs ambitions créatrices peuvent être réalisées de manière exemplaire. A coup sur, si le concept nietzschéen de « malentendu créateur  » doit trouver une application élargie dans le nouveau champ de bataille esthétique, il faudra parvenir à une certaine forme de « modus vivendi  », à une stratégie de production qui permettra à ces extrêmes, même s'ils ont l'air d'être inexorablement opposés, de communiquer à un niveau de réflexion -- et de composition -- plus approfondi. En l'état où ils se trouvent aujourd'hui, rien ne permet encore de dire que les critères esthétiques de la musique par ordinateur admettent cette sorte d'hybridation. Or l'attraction mutuelle d'une liberté sans entraves et d'une rigueur absolue restera limitée tant que cette hybridation ne sera pas réalisée.

Pour un compositeur qui possède déjà une certaine expérience des procédés analogiques ou, comme c'est mon cas, de la transformation éIectronique « live  », les premiers contacts avec les conventions de l'ordinateur amènent inévitablement une grande pérturbation : l'absorption d'un nombre énorme d'informations nouvelles fait éclater le système de références intellectuelles traditionnelles propre à chacun ; en même temps le musicien ressent l'urgente nécessité de maintenir énergiquement un minimum de distance entre les cheminements habituels et les nouvelles données. Souvent le plus urgent restera la création et le maintien conscient de cette « interface  » individualisée, qui agira comme une soupape capable de régler le flot d'informations à un niveau acceptable, bien avant que puissent se cristalliser en une formulation active des projets aux contours personnels. La mise à distance du chaos menaçant fournit une énergie créatrice « sui generis » ; dresser le plan le plus précis possible des zones neutres mouvantes qui séparent les réactions rigoureuses à priori des réactions plus spontanées à (et même contre) la pression résultante, semble être en tout cas l'une des tâches immédiates les plus urgentes qui s'offrent à ce moment critique surtout si l'on considère l'écart parfois étonnant qu'on peut observer dans bien des pratiques actuelles entre les outils efficaces et très cohérents dont on dispose et les formes musicales qui en découlent. En fait, nulle part ailleurs dans la musique contemporaine, cette faille n'en est venue à prendre de telles dimensions. Même si la composition instrumentale conventionnelle s'est abritée derrière le vieil écran de fumée d'une polémique dans laquelle les différents partis se disputent entre eux l'honneur de distordre et de châtrer le plus possible le vaste et riche potentiel des moyens d'expression quotidiens, on en est arrivé là plutôt pour des raisons culturelles et tactiques qu'à cause d'une lacune structurellement inhérente au « système ». L'investigation de cette « interface  » et le fait de jeter des ponts d'un bord à l'autre sont des tâches que les compositeurs, -- qui se situent à l'extérieur du medium lui-même -- devraient être bien placés pour entreprendre, à condition qu'ils se donnent les moyens d'une réflexion critique sur l'état de choses rencontré. Si cela arrive, de tels individus parviendront tout aussi bien que n'importe qui d'autre à faire entrer leur propre sensibilité créatrice à l'intérieur d'un modèle et à lui donner par là même un champ d'application plus vaste au sens exposé plus haut.

A première vue, il pourrait sembler paradoxal qu'un compositeur, s'appuyant dans une large mesure sur les capacités spécifiques d'un exécutant placé en face d'un texte musical d'une grande complexité, puisse trouver un intérêt dans la musique pour ordinateur « sui generis.  » En fait, plusieurs de mes oeuvres se sont attachées à la constellation de problèmes groupés autour du concept « efficacité  », c'est-à-dire de la relation entre effort et résultat, dans le contexte d'une activité dirigée vers un but ; mais aussi aux positions idéologiques qui se dissimulent partiellement sous les jugements de valeur fondant l'estimation des niveaux d'efficacité. En particulier, l'application d'échelles de valeurs conditionnées par la technologie aux différents domaines dans lesquels la perception et la sensibilité sont des facteurs essentiels (comme dans les arts), tout comme le danger toujours présent d'une « anthropomorphisation  » excessive (obtenue en dissimulant son caractère d'altérité) de tout medium donné, lequel est largement fondé sur des principes rien moins qu'anthropomorphiques, semblent être l'un et l'autre des objets valides pour une investigation et une dissection en termes musicaux, d'autant que « l'adéquation dans l'exécution  » est toujours ici un sujet d'intérêt actuel. Un des champs d'investigation les plus significatifs de la musique instrumentale vivante -- celui qui concerne le degré d'approximation atteint par toute réalisation particulière d'un texte musical -- est susceptible d'une transposition immédiate dans la composition à l'aide de l'ordinateur, en raison de l'écart évident et incommensurable qui existe entre les concepts d'efficacité en termes humains et en termes d'ordinateur (à tout le moins en temps réel). Toutefois « l'écart  » observé entre les moyens et les résultats (même s'il a été mesuré) qui caractérise la production musicale à l'aide de l'ordinateur peut n'être qu'un maillon dans cette chaîne particulière : le but éventuel serait de délimiter un « environnement créatif  », un « langage du corps  » dans le champ du discours musical, dans lesquels les systèmes de valeurs de l'ordinateur (ou du technicien) et du compositeur pourraient s'articuler de telle façon que les deux extrêmes en soient mutuellement éclairés.

Ainsi, la confrontation initiale peut être assumée par le compositeur et transformée en une synthèse dont la signification n'est pas seulement subjective ou anecdotique. D'un autre côté, cette synthèse elle-même ne peut en aucune façon se borner à n'être que le véhicule de la production la plus « efficace  » d'oeuvres d'art, car cela la réduirait encore à n'être qu'une structure de support transparente qui, telle l'échelle de Wittgenstein, pourrait être abandonnée dès qu'on l'aurait gravie : l'efficacité, en termes esthétiques, ne consiste pas, je pense, à présenter l'oeuvre achevée comme si le mode de production n'avait été que pure contingence. Dans mes compositions instrumentales et instrumentales/électroniques récentes, j'ai cherché avant tout à permettre à tous les aspects de la production (clarté de la notation, durée et intensité de l'activité compositionnelle et pré-compositionnelle, méthode de répétition, capacité de réalisation de l'exécutant et variabilité du mode de réception) de laisser affleurer des structures et des traces structurantes dans le tissu de l'oeuvre achevée. De la même façon j'aimerais étendre ces recherches au domaine des complexes formels numériquement organisés. Les possibilités latentes de la technologie de l'ordinateur semblent, en fait, convenir de manière exceptionnelle à la découverte et à l'exposition de certaines zones de la tradition musicale de l'Occident, restées jusqu'à présent obscures. Mon approche personnelle de l'ordinateur présuppose donc la possibilité (la nécessité, à ce stade préliminaire) de délimiter une sphère dans laquelle des concepts non-congruents d'efficacité peuvent être superposés -- ce qui peut se réaliser en couplant des types et des intensités différents d'interaction en temps réel, entre l'exécutant et l'ordinateur, de façon à engendrer des conditions dans lesquelles le fonds commun aux deux sera suffisamment stable pour permettre la génération de formes musicales complexes et articulées. Mon but ici n'est pas d'éliminer l'accidentel ou de faire disparaître les imperfections qui entraveraient soit-disant la réalisation idéale de l'idée. En un certain sens, les imperfections et les réactions à celles-ci sont la pièce elle-même au sens où le développement des matériaux musicaux est, dans une large mesure, (mais peut-être pas beaucoup plus que dans une composition normale), déterminé par l'imprévu et ses conséquences subjectives. Le but est de réorganiser le contexte perceptuel de chaque réalisation spécifique, de manière à incorporer l'imprévu, de façon réflexive, dans le cours même de la composition, un peu comme si une couche polyphonique non audible faisait sentir néanmoins son effet à tous les niveaux du discours musical.

Le dessein d'une telle entreprise ne serait pas de produire une « oeuvre ouverte  », comme on en fit à une certaine époque, il y a environ vingt ans. Il nous faut accéder à un niveau de conscience des conséquences de la forme plus profond qu'il n'était peut-être possible de l'envisager à ce moment là. Ce qu'il faut, c'est enrichir de façon continue la texture de l'information jusqu'à ce que l'interprète parvienne à établir un rapport personnel avec les exigences et les restrictions constitutives de l'environnement dans lequel il est obligé d'évoluer. Une forme fixée, mais une réalisation mobile, semblent les plus aptes aujourd'hui à satisfaire ces exigences. On pourrait naturellement supposer que l'ordinateur est particulièrement apte à enregistrer et à accumuler les ensembles de situations alternatives prédéterminées dont on a besoin pour ce genre de projet. Le but essentiel, en tout cas, devrait être, tout en maintenant une unité stylistique rigoureuse, d'explorer sur les plans les plus nombreux possibles, les implications ramifiées d'un système multiforme d'évaluation et d'accumulation qui soit, en principe, de portée infinie. Pour parvenir à cette fin, les moyens essentiels seraient la construction d'un équipement capable de fournir ce type de rapport en temps réel avec le plus grand nombre possible de trajets alternatifs d'action et de réaction. En tout cas, ce type de recherche -- si elle est menée avec un sens pratique solide -- me paraît particulièrement intéressant pour un compositeur qui n'envisage pas de travailler de façon permanente dans ce domaine. C'est en effet un moyen très valable de faire entrer ce domaine, peut-être encore un peu fermé sur lui-même, dans un contexte plus accessible généralement, tout en l'enrichissant des tout derniers éléments constitutifs de « la musique moléculaire ».

A l'heure présente, le but final du projet qui forme la substance de ma collaboration avec l'IRCAM est, en relation avec certaines des considérations esquissées plus haut, une oeuvre dans laquelle un exécutant unique est placé en face d'une série d'unités de matériau sonore produit par l'ordinateur, dans le double rôle de donneur de signal et de foyer de réaction. Le but n'est pas seulement de rendre possible un flux flexible de décisions en temps réel (sélection à partir d'un réservoir d'éléments pré-déterminés d'égale valeur à chaque moment de décision), mais aussi de faire jouer cette sorte de feedback où les erreurs sont non seulement corrigées, mais incorporées comme données dans les manifestations suivantes du matériel. Bien que j'aie déjà tenté cela de façon plus simple dans « Time and Motion Study II » pour violoncelle et électronique, en demandant à l'exécutant non seulement de générer certains signaux, mais aussi de réagir immédiatement à ces mêmes signaux selon des modes variables de reconnaissance et de diffusion, j'envisage aujourd'hui une forme plus complète et plus élaborée dont chaque étape est déterminée par des principes analogues. Dans une réalisation idéale, l'exécutant et restrictions constitutives de l'environnement dans lequel il est obligé d'évoluer. Une forme fixée, mais une réalisation mobile, semblent les plus aptes aujourd'hui à satisfaire ces exigences. On pourrait naturellement supposer que l'ordinateur est particulièrement apte à enregistrer et à accumuler les ensembles de situations alternatives prédéterminées dont on a besoin pour ce genre de projet. Le but essentiel, en tout cas, devrait être, tout en maintenant une unité stylistique rigoureuse, d'explorer sur les plans les plus nombreux possibles, les implications ramifiées d'un système multiforme d'évaluation et d'accumulation qui soit, en principe, de portée infinie. Pour parvenir à cette fin, les moyens essentiels seraient la construction d'un équipement capable de fournir ce type de rapport en temps réel avec le plus grand nombre possible de trajets alternatifs d'action et de réaction. En tout cas, ce type de recherche -- si elle est menée avec un sens pratique solide -- me paraît particulièrement intéressant pour un compositeur qui n'envisage pas de travailler de façon permanente dans ce domaine. C'est en effet un moyen très valable de faire entrer ce domaine, peut-être encore un peu fermé sur lui-même, dans un contexte plus accessible généralement, tout en l'enrichissant des tout derniers éléments constitutifs de « la musique moléculaire ».

A l'heure présente, le but final du projet qui forme la substance de ma collaboration avec l'IRCAM est, en relation avec certaines des considérations esquissées plus haut, une oeuvre dans laquelle un exécutant unique est placé en face d'une série d'unités de matériau sonore produit par l'ordinateur, dans le double rôle de donneur de signal et de foyer de réaction. Le but n'est pas seulement de rendre possible un flux flexible de décisions en temps réel (sélection à partir d'un réservoir d'éléments prédéterminés d'égale valeur à chaque moment de décision), mais aussi de faire jouer cette sorte de feedback où les erreurs sont non seulement corrigées, mais incorporées comme données dans les manifestations suivantes du matériel. Bien que j'aie déjà tenté cela de façon plus simple dans « Time and Motion Study II » pour violoncelle et électronique, en demandant à l'exécutant non seulement de générer certains signaux, mais aussi de réagir immédiatement à ces mêmes signaux selon des modes variables de reconnaissance et de diffusion, j'envisage aujourd'hui une forme plus complète et plus élaborée dont chaque étape est déterminée par des principes analogues. Dans une réalisation idéale, l'exécutant et l'ordinateur fonctionneraient tous deux à leur niveau respectif « d'efficacité  », bien qu'aucune des versions optimales possibles ne reproduisent les mêmes contours formels ou même la disposition matérielle. Non seulement ce schéma assurerait un haut niveau de flexibilité pratique, mais il permettrait aussi de décharger l'exécutant de la responsabilité d'avoir à jouer en « temps enregistré  », c'est-à-dire selon l'expansion ou la compression d'un temps subjectif, temps que dicte la combinaison de la densité du matériel et l'exactitude de la coordination avec le matériel inflexible enregistré. L'interprète, ainsi libéré, pourrait alors se consacrer à des processus de décision plus essentiels et moins mécaniques.

Deux handicaps spécifiques semblent pour le moment s'opposer à la réalisation pratique adéquate de telles idées. Le premier concerne la quantité de mémoire disponible pour le compositeur à un moment donné -- ce qui limite considérablement la complexité et la durée des évènements qui peuvent être spécifiés de façon réaliste. Tout spécialement dans une oeuvre dans laquelle chaque décision est envisagée comme une réaction en temps réel (soit par l'exécutant, soit par l'ordinateur) à un signal particulier, cela implique -- un peu à la manière d'un diagramme de flux -- que plusieurs possibilités alternatives soient simultanément disponibles et prêtes à être rappelées. Il est probable que le compositeur pourrait trouver une façon d'ajuster ses idées aux limitations présentes ; d'un autre côté, il y a probablement une limite en dessous de laquelle il n'est pas possible d'altérer les concepts de base, même au nom du réalisme (qui est lui-même une forme d'idéologie, une attitude particulière à l'égard du rapport hiérarchique entre conceptualisation et production...). On trouvera certainement des stratégies pour incorporer de façon productive dans le tissu réflexif de l'oeuvre jusqu'à ces problèmes eux-mêmes, les solutions se dégageant au cours d'une recherche compostionnelle intensive. Le second handicap est inhérent à la relation que le compositeur entretient avec l'équipement dont il dispose, et non à une attitude particulière à l'égard des possibilités de production des ordinateurs en tant que medium. Ce handicap concerne le manque actuel de corrélats tangibles dans et au travers desquels les idées musicales s'offrent à lui d'une façon concrètement manipulable (quasi analogique). La concentration sur l'expression de ces idées et leur projection dans une forme ou une autre de notation sont devenues les conditions sine qua non et universellement acceptées de la plupart des formes d'organisation de sorte que l'absence de toute interface pouvant jouer un rôle comparable de médiation, peut entraîner le compositeur inexpérimenté soit à modifier ses méthodes de travail à un point inacceptable, soit encore à recourir à l'une ou l'autre de ces jongleries « improvisatoires » avec des matériaux sonores réalisés d'une manière relativement imprécise. Ni l'une ni l'autre de ces « solutions  » ne peut être considérée d'aucune manière comme satisfaisante, car toutes deux supposent une sorte d'attitude absolutiste face au multiples moyens qui deviennent disponibles et qui, à court terme, peuvent amener le compositeur soit à accepter des solutions de deuxième ordre, soit à s'appuyer exagérément sur des critères de perfection technique sans les mettre à l'épreuve. Je pense que l'un des services essentiels que l'ordinateur peut rendre au compositeur est la possibilité de reconsidérer sur un plan fondamental les relations subsistant entre les éléments musicaux élémentaires et les conséquences de leur transposition dans un espace temporel/analogique (qu'il soit visuel ou physique). Dans cette perspective, deux aspects très spécifiques de la recherche me paraissent s'ouvrir à l'investigation. D'un côté, la création de conventions de notation visuelle de base permettant au compositeur de s'ouvrir un chemin, tout en conservant sa manière habituelle de travailler, au travers (et peut-être au-delà ?) de quelques-unes des complexités les plus labyrintiques du medium ; de l'autre côté (qui à un niveau au moins -- celui de la notation spatiale en temps réel -- est en relation directe avec le précédent) la recherche d'une méthode visant à corréler les formes visuelles et spatiales de présentation de l'information avec leurs équivalents dans l'espace psycho-acoustique. Toute personne habituée aux techniques analogiques ne sera que trop consciente des écarts souvent inattendus qui surgissent quand (par exemple) le mouvement spatial linéaire est traduit par la transformation équivalente d'un objet sonore donné. L'hétérogénéité essentielle de la qualité perçue et de la quantité de transformation à chaque niveau est un fait élémentaire qui demande à être analysé et -- du moins dans ses contours -- à être codifié avant qu'on puisse sérieusement songer à une exploitation systématique de la technologie du son indubitablement sophistiquée dont on dispose aujourd'hui.

Il est bien évident, après ce qui précède, que mon dessein n'est pas de rendre la vie plus facile au compositeur qui n'a ni la volonté ni la capacité de faire face aux exigences que le moindre des exercices élémentaires requis par les méthodes de composition numérique fera peser sur lui : au contraire, c'est précisément parce que les moyens adéquats de traduction de l'information en même temps que les modes de pensée qui les accompagnent sont encore sous-développés, que les moyens de production et la profondeur de la vision esthétique restent si étonnamment distants les uns des autres dans certains cas. Bien entendu, chaque travail projeté exigera ses propres conventions de notation et d'opération. Mais le royaume qui s'ouvre à une vitesse incroyable sur un front, demeurera largement inaccessible sur d'autres fronts aussi longtemps qu'un « compromis » (qui pourrait bien empêcher pour sa part le recours à d'autres compromis autrement mortels) n'aura pas été réalisé.

Je n'ai pas traité ici de domaines comme la définition et la génération du timbre qui ont fait l'objet de recherches intensives, puisque ces aspects demeurent relativement marginaux par rapport à mes propres intérêts de compositeur. En tout cas la recherche plus large sur les structures et les processus que j'ai suggérée plus haut englobe par sa nature même, toutes les variantes individuelles possibles de n'importe quel paramètre. Mes suggestions concernent la stratégie, non pas la délimitation des objectifs acceptables de composition.

Brian Ferneyhough
traduit par Brigitte Jaques

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