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L'Internet, l'Ircam et le Centre

Michel Fingerhut

Serveur WWW de l'Ircam, Mars 1995
Copyright © Ircam - Centre Georges-Pompidou 1995


L'Internet

Il y a 25 ans, les militaires américains lançaient un projet visant à relier leurs ordinateurs à travers le pays, au cas où une guerre couperait toutes les formes de communication. Aujourd'hui, un particulier possédant un ordinateur personnel (PC ou Macintosh) peut, assis à son bureau ou chez lui...

... correspondre, voire dialoguer, avec un collègue ou un ami situé à l'étage au-dessus ou à l'autre bout de la planète de façon presque instantanée; échanger avec lui des textes et des images, des sons ou de la vidéo;

... voir, en exclusivité, des images commentées de la grotte ornée paléolithique qui vient d'être découverte à Vallon-Pont-d'Arc; «visiter» l'exposition Fiat Lux des photos d'Ansel Adams prises à l'occasion du centenaire de l'Université de Californie en 1968, comprenant des reproductions de ses photos, accompagnées de textes et de commentaires enregistrés par l'auteur lui-même, et, à la fin de cette «visite», commander des posters sur catalogue (et payer par carte de crédit); «visiter», ainsi, de nombreux musées bien réels ou virtuels, des galeries, des écoles de Beaux-Arts pour y contempler des milliers de reproductions d'oeuvres d'art du patrimoine mondial, y étudier l'histoire de la lithographie ou visiter le forum de Pompéï.

... interroger le catalogue de la bibliothèque du Congrès, celui de la bibliothèque de l'Ircam, et des centaines d'autres de par le monde; consulter des facsimilés de certains manuscrits, enluminures, incunables et livres des premiers siècles ou de la Renaissance; lire des versions annotées des pièces de Shakespeare ou le quotidien L'Unione Sarda, ainsi que, déjà quelques anciens numéros du Monde diplomatique; interroger des bases de données des brevets et marques, celles de la bibliothèque nationale de médecine américaine ou d'autres fonds documentaires d'administrations étrangères;

... consulter le calendrier du festival de Salzbourg, celui de la saison musicale de l'EIC et de l'Ircam et même, déjà, celui des manifestations du Centre; y écouter des oeuvres de Bach ou des Rolling Stones, consulter des partitions musicales, retrouver les paroles d'un «tube», interroger une base de données cinématographique créée par les membres de l'Internet ou même y voir (les extraits d') un film;

... faire, de l'autre bout du monde, une visite commentée (en français ou en anglais) de l'Ircam[1] avec une explication sur ses activités de recherche, de pédagogie et de création musicale, consulter son annuaire téléphonique, ses offres d'emploi, la liste de ses produits éditoriaux ou ceux de la recherche;

... commander des pizzas chez Pizza Hut, des livres , des disques compacts après consultation dans un catalogue annoté en comprenant plus de 100.000, des oeuvres d'art, des fleurs à faire livrer, des logiciels, des t-shirts et des vêtements;

... et exploiter ainsi des centaines de milliers de ressources dans tous les domaines de l'activité humaine, intellectuelle et artistique, industrielle, commerciale ou de loisir, gratuite ou payante, au Japon, en Australie, en France...

Et, si ces informations ne répondent pas à sa demande,

... il peut demander conseil à un expert dans un domaine quelconque, ou discuter, en privé ou en public, avec un groupe de personnes intéressées par un sujet plus ou moins précis: il aura le choix parmi des milliers de thèmes, et pourra ainsi contacter directement des conservateurs de musées, des professeurs de littérature comparée, des bibliothécaires francophones, des producteurs de vidéo, des utilisateurs de MS-DOS, des fans de Boy George, aux quatre coins du monde;

... il pourra aussi choisir parmi des milliers de logiciels gratuits, du meilleur au pire (virus informatique inclus!), pour PC, Mac, Atari ou tout autre ordinateur, les récupérer en quelques secondes ou quelques minutes et les installer; recopier des textes techniques, pédagogiques, informatifs ou humoristiques...

Tout cela peut se faire sur ce réseau touffu, reliant des millions d'ordinateurs, du plus petit au plus grand, et d'utilisateurs encore plus nombreux, appelé l'Internet.

Le possible et le réel

Il y a encore deux ans, il fallait une certaine dose de compétence et de persévérance pour se déplacer dans ce labyrinthe, un peu comme pour la conduite d'une voiture au début du siècle ou pour aller de Paris à Londres au XIXe siècle. Maintenant, on conduit une voiture d'un tour de clef (sans trop savoir ce qui se passe sous le capot), on entre dans Le Shuttle à la Gare du Nord et on en ressort à Londres; ainsi, on peut voir cette multitude d'informations à l'écran (texte, image, vidéo et son), et passer d'une référence à l'autre et d'un bout du monde à l'autre, à l'aide d'un seul «clic» sur la souris. Ce geste, comme celui de tourner la page dans un livre, ramènera une autre information, d'ici ou du bout du monde, mais cela n'est plus notre préoccupation: c'est devenu invisible, comme, dans une voiture à embrayage automatique, où le fait d'accélérer change automatiquement les vitesses.

C'est ainsi que fonctionne l'Internet. Parfois.

A l'image du réseau routier d'une ville, il n'est pas composé que d'autoroutes, et souvent celles-ci sont fort encombrées: une page de texte peut y être récupérée en quelques fractions de secondes tôt le matin, ou après de longues minutes d'attente plus tard dans la matinée, lorsque tout le monde est réveillé et utilise à fond ces liaisons informatiques, qui sont d'ailleurs d'une fiabilité toute relative, ni garantie, ni assurée.

Pire encore, on en est au stade du 22 à Asnières: pour communiquer dans le même arrondissement, entre l'Ircam et l'Hôtel de Vigny, il fallait passer il y a encore quelques semaines par les USA et la Hollande (puis par l'Autriche et la Hollande...), résultat des guerres se déchaînant entre les fournisseurs français d'accès à l'Internet, aux dépens des clients.

La fin et les moyens

Outil de travail pour beaucoup, outil d'information, outil de loisirs pour certains, et surtout potentiel commercial important, voilà ce que sont devenus les réseaux informatiques dans le monde; à l'image d'une bibliothèque ou d'un CD-ROM universels, d'une ville avec ses ruelles et ses avenues, ses musées et ses magasins, ses universités et ses hôpitaux, ses mauvais quartiers et ses boutiques de luxe.

Le temps et la distance y sont pour ainsi dire abolis: le passage d'un bout du monde à l'autre se fait plus rapidement que d'une page à l'autre dans un livre, ou d'un livre à l'autre sur les rayonnages d'une bibliothèque, ou d'une bibliothèque à l'autre, le réflexe y remplaçant la réflexion.

Les lieux du savoir sont devenus les labyrinthes de l'information. On peut maintenant s'y «déplacer» à une vitesse vertigineuse, et avec la facilité d'un geste (le «clic» sur une souris d'ordinateur), mais comment savoir où aller? Tout le monde peut y «fournir» n'importe quelle[2] «information» - c'est le produit de la démocratisation - mais que vaut-elle?

Aujourd'hui, les moyens par lesquels l'information arrive chez nous sont multiples et séparés: le téléphone (avec clavier de numérotation et combiné); la télécopie (avec clavier et imprimante); la radio (avec boutons de commande et haut-parleur); la télévision (avec télécommande, écran et ses hauts-parleurs pour entendre le son). Une ligne téléphonique, le câble, les ondes hertziennes... les relient à l'extérieur.

Demain, il n'y aura plus qu'une seule «boîte» équipée d'un écran, d'un clavier, de hauts-parleurs et d'un microphone, d'une imprimante et même d'un scanne(u)r. Cet ordinateur simplifié et amélioré sera notre boîte à communiquer, reliée au monde extérieur par un seul câble, celui qui nous sert aujourd'hui déjà pour la télévision, et qui remplacera toutes les autres liaisons. Les enjeux seront donc le multimédia et les télécoms.

C'est pourquoi, déjà aujourd'hui, une bataille économique à l'échelle mondiale se livre entre les super-puissances de l'informatique et des télécommunications, pour la main-mise sur ces futurs moyens de communications, et donc sur tous les moyens de communications d'un seul coup. S'ils domineront les routes en y imposant leurs péages[3], et peut-être même l'information, maîtriseront-ils le savoir? Le vrai maître, dans le sens noble (et secret) du terme, n'est-ce pas plutôt le guide sur les chemins menant à la connaissance, dans le musée et la bibliothèque?

L'Internet s'est développé comme fruit d'une volonté de partager le savoir, pour devenir l'enjeu et le champ des nouvelles guerres économiques à l'échelle mondiale qui ont pour objet le contrôle des modes futurs de communication et de commerce, et donc, de façon ultime, du pouvoir matériel. A nous d'y préserver les valeurs de l'esprit humain, de résister à sa mercantilisation à outrance et de veiller à la libre circulation des outils de la connaissance.

A l'Ircam et au Centre

L'Ircam a été un des 3 premiers organismes en France à participer aux réseaux informatiques internationaux (depuis 1983). Mais ce qui est possible à l'échelle mondiale est bien plus possible encore en interne: tous les ordinateurs de l'Ircam, du PC et Mac aux stations de travail et serveurs les plus rapides sont reliés entre eux.

Ainsi, il n'est plus toujours nécessaire d'utiliser du courrier papier:[4] une «note électronique» suffit et parvient plus rapidement; si une personne cherche d'urgence une autre personne, elle peut envoyer un message qui s'affichera immédiatement sur tous les écrans; tout un chacun a accès, de son bureau, à la panoplie des services internes (version hypertexte de l'hebdomadaire de veille technologique, les calendriers, la bibliothèque, les archives informatiques...) ainsi qu'à tous les services mondiaux de l'Internet, depuis le courrier électronique, en passant par les forums de discussions privés ou publics, immédiats ou différés, à la consultation en hypertexte ou hypermedia des richesses de l'Internet.

Derrière tout cela, des réseaux irrigant tout l'Ircam et reliés à l'extérieur,[5] deux informaticiens et deux techniciens. Et une utilisation constante de ces réseaux par chercheurs et musiciens, pour leurs activités, pour celles de la promotion de l'Ircam, et, très bientôt, pour les adhérents (extérieurs) aux services de diffusion des logiciels de l'Ircam.

L'Ircam participe activement à l'esprit du «volontariat Internet»: il y a deux ans, nous avons ouvert sur l'Internet en accès libre des archives publiques[6] comprenant à ce jour plus d'un giga-octet de programmes, applications, documentations, données, faisant partie du «patrimoine» de l'Internet (et plus spécifiquement, mais non exclusivement, axés sur la musique et le traitement du signal). Il y a un an, s'y est ouvert le serveur hypermedia[1] (accès à la bibliothèque, aux logiciels, etc).

Dans le courant de l'année dernière, un accès au réseau Ircam (et donc à l'Internet) a été établi pour l'un des PC de la BPI. Dans le même esprit, un serveur d'information Centre-Pompidou[7] a été ouvert sur l'Internet en Janvier, à l'occasion du lancement d'une enquête menée par le Département du Développement culturel sur la nouvelle publication interdisciplinaire qui succédera à Traverses. Comprenant le texte du projet, ainsi que le calendrier des manifestations du Centre, ce serveur bilingue (temporairement abrité à l'Ircam) a eu un franc succès: plus de 1.000 interrogations par jour du monde entier... et une forte demande, par courrier électronique, d'informations et de services complémentaires.

Notes

[1]À l'adresse http://www.ircam.fr (protocole WWW)

[2]On peut même y lire des informations tout à fait erronnées (pourtant facilement vérifiables) fournies par des professeurs d'université, fautes qu'ils se seraient probablement gardés de faire dans un texte écrit, relu et imprimé.

[3]L'accès même à l'Internet n'est pas gratuit, quoique l'on y fasse, quelque soit le type d'information qu'on y cherche (comme pour le câble télévisé, on paie même si on n'y regarde aucun film) et quelque soit sa valeur: celle-ci est difficilement quantifiable, il est plus facile donc de faire payer pour l'accès. Les prix varient d'un fournisseur à l'autre, sans réelle possibilité de comparaison; certains ne demandent qu'un forfait qui dépend de la rapidité d'accès (élevé, destiné surtout à une utilisation institutionnelle), d'autres taxent aussi l'utilisation à la durée et/ou au volume (sur le câble, la «vidéo à la demande» s'installe bientôt: il faudra payer pour chaque film, même pour le revoir).

[4]Pour le moment du moins, l'informatique n'a pourtant pas réduit la quantité de papier utilisée - il semblerait, au contraire, qu'on imprime plus que jamais.

[5]Par une ligne dite «à moyen débit»: 64.000 bits/seconde (pour comparaison: le débit du minitel est de 75-1200 bits/seconde), trop insuffisant pour le transfert de son ou d'image en temps réel

[6]À l'adresse ftp.ircam.fr (protocole ftp)

[7]À l'adresse http://www.cnac-gp.fr (protocole WWW)

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