![]() | Serveur © IRCAM - CENTRE POMPIDOU 1996-2005. Tous droits réservés pour tous pays. All rights reserved. |
Résonance n° 11, janvier 1997
Copyright © Ircam - Centre Georges-Pompidou 1997
À lire la presse spécialisée, la musique en ligne suscite un véritable déchaînement médiatique. Ces flots, ou plutôt ces flux », d'informations sont complexes et souvent contradictoires. Cependant, au-delà des mots et des passions, de véritables enjeux se dessinent, artistiques, juridiques, techniques et, bien entendu, commerciaux, voire industriels. Sans faire de prospective hasardeuse, on peut s'attendre à une prochaine et profonde remise en question d'un certain nombre de métiers clefs, traditionnels, de la musique, comme l'édition ou la distribution.
Il suffit de « naviguer » sur l'Internet pour s'en convaincre : les sites spécialisés dans le téléchargement d'oeuvres musicales sont chaque mois plus nombreux, évoluant pour la plupart dans une sorte d'anarchie de moins en moins bon enfant. Il est normal que les tensions s'aiguisent, au fur et à mesure que l'intérêt marchand augmente. On peut comprendre dès lors que les principaux acteurs de la profession : auteurs, producteurs, éditeurs, sociétés de perception et de répartition, s'intéressent de près aux aspects juridiques, notamment pour ce qui concerne les droits d'auteur.
L'impact réel de la musique en ligne reste à connaître, notamment sur les plans artistiques et économiques. Certains experts voient là un mode de diffusion inédit qui pourrait remplacer d'ici à quelques années le disque compact. Pourquoi pas ! Entre les propos optimistes tenus par les pionniers de la diffusion en ligne et la vision inquiétante, voire catastrophiste, de certains acteurs de la istribution phonographique « classique », on voit bien que les prédictions en matière de musique en réseaux méritent d'être nuancées. Ainsi, les prévisions portant sur le parc de micro-ordinateurs multimédias sont loin d'être aussi « éclatantes » que prévues. La micro-informatique familiale à base d'ordinateurs multimédias (CD-Rom + modem) doit encore s'imposer en termes de marché de masse. Une condition indispensable pour aboutir à la concrétisation de la musique en ligne s'adressant non plus seulement à une poignée, même planétaires, de professionnels et d'amateurs « branchés », mais bien à tous les consommateurs potentiels.
Sans entrer dans les détails, on peut distinguer actuellement une bonne dizaine de « familles » de sites, depuis ceux proposant des informations sur les compositeurs, groupes, labels, etc., jusqu'aux magasins de disques avec téléchargement d'oeuvres « à la carte », en passant par les studios virtuels ou les karaokés Midi qui permettent de chanter tout en étant accompagnés par un orchestre en ligne. Aux Etats-Unis, nombre d'étudiants se sont mis à créer des sites consacrés à leurs musiciens ou groupes favoris. Jimmy Hendrix, Jim Morrison des Doors ou bien encore Frank Zappa sont parmi les musiciens les plus présents sur le Web. La qualité technique et artistique de ces sites est très variable. Certains se contentent de quelques informations, sans grand intérêt. D'autres offrent à l'internaute mélomane l'occasion d'effectuer une plongée interactive au sein d'une banque de données bourrée d'informations inédites, exclusivement destinées aux vrais « fans » : paroles, partitions, photos, extraits de clips vidéo, anecdotes, critiques, etc.
La sophistication des programmes sonores mis en oeuvre est trop souvent contrariée par la lenteur d'accès des informations entre le site et l'utilisateur final. Cette lenteur est notamment due à l'encombrement quasi généralisé du réseau Internet. S'y ajoute le très faible débit du transfert des données sur les lignes de téléphone standard. D'où l'intérêt des données Midi, nettement «moins gourmandes ». Les applications professionnelles (notamment celles nécessitant un accès aux données, sinon en temps réel, du moins en un temps très court) exigent de passer à la vitesse supérieure et donc de s'abonner au moins à un réseau à moyen débit de type RNIS. En tout état de cause, le choix du fournisseur d'accès reste un élément déterminant.
La logique de l'évolution économique actuelle laisse à penser que ces sites à haute valeur ajoutée devraient rapidement devenir payants. On ne sait toutefois pas combien faire payer aux clients potentiels, dont le profil est par ailleurs souvent mal défini. En revanche, les modalités de paiement sont connues (porte-monnaie électronique, paiement par carte bancaire sécurisée, crédit, formule d'abonnement, etc.). Il existe également d'autres solutions indirectes, plus douces mais nettement plus contraignantes, comme la publicité ou le partenariat. Les maisons de disques ayant pignon sur le Net, comme Virgin, Sony Music ou Polygram, pratiquent largement cette politique, qu'elles assimilent, avec raison, à un outil de marketing complémentaire et particulièrement efficace. La promotion fonctionne, si l'on en juge par le nombre moyen de connexions quotidiennes dans les « majors » qui peut allègrement dépasser les cent mille unités.
D'autres musiciens ont bien compris le message et se lancent, via le réseau, vers la promotion et la diffusion directes de leurs compositions. L'un des avantages de cette autoproduction remise au goût du jour consiste à établir un contact privilégié avec chaque « visiteur », ainsi qu'une relation basée sur la fidélisation et la personnalisation. Sans compter le bénéfice financier, largement plus important puisqu'il élimine un certain nombre d'intermédiaires, dont les distributeurs.
Quelques compositeurs nord-américains voient encore plus loin et souhaitent mettre en place une rémunération de leurs différents droits (auteur, éditeur, producteur, etc.) tout aussi directe, ne passant plus par les sociétés de perception et de répartition classiques. A leurs yeux, cette solution offrirait l'avantage d'accélérer les paiements et d'éviter les frais de gestion (de 5 à 15 % selon les organismes). Dans le contexte actuel, ce système paraît cependant très complexe à mettre en oeuvre, tant juridiquement que financièrement.
Passionnant, cet enseignement réserve de nombreuses surprises. Un exemple, parmi beaucoup d'autres, concerne la pédagogie, sujet a priori sérieux et dont on pourrait croire qu'il ne passionne que les spécialistes. Erreur ! Les idées fusent en la matière, iconoclastes à souhait, parfois outrancières ou décapantes, qu'elles concernent l'enseignement de la guitare électrique ou l'art de la direction d'orchestre dans la musique baroque... Mais ces forums de discussion s'ouvrent également à des domaines plus spécialisés. Ainsi, les petites annonces, et plus spécialement celles destinées aux collectionneurs d'instruments de musique, connaissent un franc succès.
Comme c'est souvent le cas sur le Web, le troc est assez répandu. Au hit-parade des petites annonces, les instruments électroniques des années 60 et 70 sont parmi les plus recherchés. Certains sites proposent en outre des copies conformes des catalogues techniques et modes d'emploi de synthétiseurs, expanders et autres claviers. Les échanges de sons réalisés à partir de ces instruments d'époque sont tout aussi courants. L'opération de téléchargement à partir d'un site spécialisé d'une palette complète de sons d'orgue Hammond, voire d'un vénérable Theremin ne demande pas de compétence particulière. Un peu de patience (gare aux temps de transfert !) et de la méthode suffiront. Il convient toutefois de posséder un échantillonneur ou un ensemble de micro-informatique musicale reliés à un clavier et une mémoire de stockage suffisamment vaste.
A l'évidence, les autoroutes de l'information, d'Internet aux liaisons à haut débit, ont su intégrer la dimension sonore à travers commentaires, effets spéciaux, bruitages, concerts interactifs, etc. Foisonnantes, prometteuses, les très nombreuses initiatives et expériences que l'on peut découvrir en naviguant sur l'Internet dessinent les fondations du monde musical de demain. Reste à connaître la capacité des musiciens à s'y intéresser et à y jouer un rôle actif sans sacrifier leur âme sur l'autel de la technologie et des strictes lois du marché. Voilà sans doute où se situe une bonne part du défi de la musique en ligne ! Ni plus, ni moins.
Rich Music FormatEn créant la société Headspace en 1993, le compositeur américain Thomas Dolby Robertson, auteur de nombreux albums et de bandes-son pour l'industrie du multimédia, visait à créer un rapport nouveau entre le musicien et son public, utilisant l'ensemble des ressources offertes par la micro-informatique et les télécommunications. Trois ans plus tard, autant dire une éternité dans ce secteur où les logiciels et les équipements évoluent en permanence, Headspace est devenue l'un des centres d'activités qui compte en matière de musique et d'interactivité.La clef de cette réussite exceptionnelle tient en grande partie dans la pluridisciplinarité de l'équipe qui entoure Thomas Dolby. Musiciens, chercheurs, développeurs, producteurs multimédias, ingénieurs du son, tous ces spécialistes se consacrent à la mise au point de nouvelles interfaces pour l'environnement multimédia ou bien encore à la réalisation de séquences sonores interactives pour les plus grands éditeurs de jeux vidéo. Parmi les dernières innovations en date, le format RMF (Rich Music Format) améliore très sensiblement la qualité sonore et le degré d'interactivité des fichiers son transitant notamment à travers les liaisons à bas débit de type Internet. Chaque fichier au format RMF comprend des informations musicales (tempo, forme, tonalité, orchestration, etc.). Un code spécifique est également prévu. Ce véritable tatouage informatique donne des renseignements précieux quant à l'origine de chaque son ou séquence musicale, facilitant d'autant la tâche en matière de gestion de droits d'auteur. En cas de besoin, le code peut également interdire la diffusion d'une séquence musicale une fois, par exemple, dépassé le délai d'autorisation accordé à l'utilisateur. Ce nouveau standard informatique devrait également permettre, entre autres applications, la diffusion d'oeuvres musicales en ligne, sans passer par le support du disque compact, et ce en toute sécurité. Fondée par trois anciens cadres d'Apple, la société WebTV a d'ores et déjà adopté ce nouveau format audio dans le cadre de l'exploitation d'une toute nouvelle console permettant de transformer n'importe quel téléviseur en terminal Internet. Le site de Headspace donne quelques exemples d'applications en ligne, dont certains sont particulièrement intéressants (http://www.headspace.com). |
____________________________
Server © IRCAM-CGP, 1996-2008 - file updated on .
____________________________
Serveur © IRCAM-CGP, 1996-2008 - document mis à jour le .