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Profession : ingénieur du son


Denis Fortier

Résonance n° 13, mars 1998
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Face aux bouleversements technologiques récents -- le numérique, la miniaturisation, le développement des autoroutes de l'information -- le métier d'ingénieur du son a connu des infléchissements notables. Auteur de plusieurs ouvrages sur la question, Denis Fortier retrace l'histoire de ces mutations dans les dix dernières années. En le suivant dans les studios et derrière les consoles, on perçoit les enjeux tant artistiques que politiques d'un métier qui, s'il fascine, reste pourtant mal connu.
En 1986, la Direction de la musique et de la danse, alors placée sous la responsabilité de Maurice Fleuret, m'avait confié la rédaction d'un rapport portant sur les métiers du son1. Un chapitre entier était consacré à des aspects prospectifs, touchant notamment à l'évolution du rôle de l'ingénieur du son. La profession dans son ensemble était alors confrontée à l'introduction conjointe des techniques audionumériques (via principalement la synthèse par modulation de fréquence et les échantillonneurs) et du micro-ordinateur. Entre autres points, le rapport prévoyait un impact fort de ces techniques sur la fonction même de l'ingénieur du son ainsi qu'un rapprochement inéluctable avec les secteurs de la vidéo et du cinéma.

Au même moment, le Plan « Son », lancé sous l'initiative conjointe des ministères de la Culture et de l'Industrie, s'était donné pour objectif de soutenir une industrie complexe, foisonnante, mais qui se remettait à peine de la grave crise de la production discographique à la fin des années soixante-dix. La France construisait encore à cette époque des consoles de prise de son, dont les tous premiers prototypes de console programmable, mais aussi des synthétiseurs numériques. Quant au nombre de studios professionnels, ils se situaient aux environs de 300 à 500 unités, répartis sur l'ensemble de l'hexagone.

Les premiers studios personnels, ou home studios, apparaissaient au même moment. Leurs performances, encore fort modestes, permettaient toutefois d'envisager à moyen terme des applications beaucoup plus importantes, capables, comme le rapport le soulignait, de bousculer un secteur d'activités plutôt fragile et fortement menacé par la concurrence anglo-saxonne.

L'ingénieur du son : une palette de fonctions complémentaires

Le rôle premier de l'ingénieur du son consiste à « prendre » le son, c'est-à-dire à capter une source sonore, voix, instrument, etc. La captation peut avoir plusieurs objets, depuis l'amplification de cette même source (éventuellement mélangée avec d'autres) à destination d'un public assemblé dans une salle (sonorisation), jusqu'à la mémorisation sur un support (disque, bande, ...) en vue d'une diffusion ultérieure (enregistrement). Selon les cas, la prise de son s'effectue en studio, en plein air, sur un plateau de cinéma, dans un auditorium...

Le montage et le mixage des éléments sonores préalablement captés sont deux opérations distinctes et complémentaires. Le montage consiste à déterminer puis isoler les éléments sonores que l'on souhaite conserver dans un enregistrement quelconque. Une fois « coupés », ces derniers sont montés entre eux, éventuellement en y insérant ou en y superposant d'autres sources sonores. Dans l'audiovisuel et le cinéma, le montage du son est une spécialité reconnue. Le monteur son est chargé de l'assemblage de tous les éléments sonores en référence avec l'image (vidéo, film, ...). Le mixage consiste d'une part à mélanger diverses sources sonores directes ou préalablement enregistrées, et d'autre part à placer tout ou partie de ces éléments dans un espace sonore artificiel ou, à l'inverse, aussi réaliste que possible. Grâce aux outils numériques, montage et mixage ont tendance, sinon à se confondre tout à fait, du moins à s'effectuer dans une chaîne de production commune.

Le traitement du son intervient essentiellement au moment du mixage. Effectué à l'aide de processeurs spécialisés, cette opération prend de plus en plus d'importance. Le traitement consiste essentiellement à « modeler » une source sonore quelconque, en y ajoutant des effets spéciaux comme -- pour les plus connus -- la réverbération, le filtrage...

Enfin, la programmation des «machines à son », micro-ordinateur musical, harmoniseur et autres synthétiseurs est un domaine relativement nouveau dont la maîtrise par l'ingénieur du son est désormais sinon indispensable du moins recommandée.

Bouleversements

Aujourd'hui, plus de dix ans après, ce paysage est profondément bouleversé, tant en termes technologiques qu'industriels et bien entendu socioprofessionnels. Sur le plan industriel, à de rares exceptions près, notamment dans le domaine des enceintes et des transducteurs acoustiques, la France ne fabrique plus d'équipements audio. Seul, ou presque, le secteur de la micro-informatique musicale (par l'intermédiaire des cartes d'acquisition, de l'analyse, du traitement de signal et des logiciels spécialisés) sauve l'honneur. La production discographique hexagonale s'est, elle aussi, sensiblement amoindrie, malgré de vastes efforts en matière d'aides diverses et de quota sur la programmation musicale.

Dans le domaine du spectacle vivant, la sonorisation des salles s'est sensiblement améliorée, poussée par une forte demande de la part du public. La multiplication des formations et des groupes, amateurs et professionnels, engendre également des besoins. Du coup, ce secteur très particulier a su progresser et demeurer actif, notamment en matière d'emplois. L'activité du sonorisateur a sensiblement évolué ces dernières années. Plus qu'un simple technicien, il participe aujourd'hui directement au spectacle. Certains jouent même un rôle non négligeable sur le plan artistique, voire créatif.

On retrouve un climat beaucoup plus morose dans les studios d'enregistrement professionnels spécifiquement dédiés à la musique. Seuls quelques dizaines ont survécu, en recourant la plupart du temps à des ressources financières annexes liées à la production ou à la coédition. Les autres, une forte majorité, ont su se reconvertir, dès les années quatre-vingt, du domaine strictement musical vers la post-production liée à l'industrie de l'image (cinéma, télévision, publicité, communication, multimédia, etc.). Une reconversion qui s'est faite dans la douleur mais dont on peut estimer aujourd'hui qu'elle a contribué non seulement à sauver une industrie mais aussi à créer des emplois.

Son et image

La privatisation d'une partie de l'audiovisuel, et notamment de certaines chaînes de télévision, la numérisation de l'image et du son, ont engendré de nouveaux besoins sur les plans de la prestation technique audio et de l'aspect artistique. Son et image sont désormais totalement liés. Du coup, on assiste, dès aujourd'hui, aux prémisses d'une fusion totale des deux mondes, du moins sur le plan des techniques employées dans la chaîne de production. Ainsi, les structures d'accueil suivent un processus de rapprochement inéluctable, l'unité son côtoyant l'unité de montage image virtuel, les deux unités étant reliés par des réseaux de communication audiovisuel et informatique haut-débit. L'exemple des studios Abbey Road, propriété du groupe EMI, est, à ce titre révélateur : l'ensemble des studios d'enregistrement sont en effet reliés à un studio de création multimédia ainsi qu'à une unité de tournage et montage destinés à la post- production de clips, etc.

Désormais, le milieu de l'audiovisuel, via la post-production vidéo, représente un vivier de compétences important, tant pour le doublage que pour la prise de son (plateau ou reportage), voire le mixage en audit. La demande du public en matière de qualité de diffusion sonore renforce ces différentes activités, demande que la diffusion par satellite permet sinon de satisfaire pleinement du moins de rendre techniquement possible (chaînes musicales notamment).

Chez soi

Mais ce tour d'horizon ne saurait être complet sans que l'on évoque le phénomène des studios personnels. Ces derniers ont fleuri, dépassant en terme de ventes les prévisions les plus optimistes. Bien qu'il n'existe aucune statistique « officielle », on peut toutefois estimer à plusieurs milliers le nombre de ces installations, dont un bon nombre atteint un niveau d'équipement quasi professionnel. Ce succès trouve son explication dans la numérisation de la chaîne de production ainsi que dans la démocratisation des moyens informatiques.

Ainsi, en l'espace de quinze ans, les coûts d'investissement inhérents à ce type d'activités ont chuté d'un facteur dix, en francs constants. Dans le même temps, les possibilités techniques de ces appareils se sont multipliées d'autant, jusqu'à atteindre des performances très proches des installations professionnelles. La numérisation a également engendré une optimisation et une harmonisation des normes audio et informatique utilisées, ce qui engendre, là encore, une sérieuse concurrence pour les studios proposant de simples prestations de service.

Du coup, une majorité de musiciens n'intègre plus le studio professionnel que pour des prises de son complexes, réclamant un parc important de micros et une qualité d'ambiance acoustique précise, ou bien encore au moment du mixage. En ce cas, les enregistrements ou les travaux de programmation ont été réalisés au préalable chez soi, l'interprète ou le compositeur arrivant au studio avec quelques bandes, disquettes ou cartouches de disques durs sous le bras. Une tendance que l'on commence également à rencontrer dans le monde de la production vidéo. Le concept de « home vidéo » se répand de plus en plus, concernant à la fois le tournage via des caméscopes numériques ou le montage virtuel effectué par l'intermédiaire de micro-ordinateurs.

A terme, les mini-studios vidéo pourraient bien également devenir de redoutables concurrents pour les structures de post-production, audits, etc.

Bien entendu, les studios personnels parmi les mieux équipés engendrent une concurrence sauvage par rapport aux studios professionnels. Cette concurrence est d'autant plus redoutable que les règles du jeu commercial sont très différentes. Comme toute société, un studio déclaré doit payer les charges inhérentes à son secteur d'activités. A l'inverse, un musicien qui travaille chez lui, par exemple sur une musique de film, ne facture généralement pas la prestation, effectuée souvent par lui-même. Le montant de celle-ci sera en fait intégrée au montant des droits d'auteur (à priori réservés au travail de création). Sur le plan fiscal, les deux régimes n'ont à l'évidence rien à voir et pénalisent fortement les studios.

Métiers

Même s'ils ont évolué, les métiers du son s'inscrivent toujours dans un contexte marginal où la course à l'emploi est particulièrement difficile. Les statistiques manquent cruellement pour établir un profil précis, détaillé, du secteur. Ainsi, le nombre d'emplois ne repose que sur des hypothèses. La fourchette oscille entre 2 000 et 3 000 techniciens spécialisés, tous secteurs confondus (sonorisation, studios, post-production, cinéma, radio, etc.). La moyenne d'âge s'est sensiblement abaissée, un phénomène qui remonte à l'irruption de l'informatique, hard et soft confondus, et qui s'est largement confirmé depuis.

Autre tendance, les métiers du son ne s'improvisent plus sur le tas : ils réclament désormais une formation préalable de haut niveau due à la sophistication des équipements et à l'étendue de leurs possibilités. La part de ces métiers liée à la dimension artistique est également en pleine évolution. Ainsi, de plus en plus de techniciens du son suivent, en parallèle, une formation musicale complémentaire. C'est le cas notamment du cursus d'ingénieur du son proposé par le Conservatoire national supérieur de musique de Paris.

Comment et où se former ?

En l'espace d'une dizaine d'années, l'offre en matière de formation aux métiers du son s'est singulièrement étoffée et rationalisée. Première constatation : la formation sur le tas, que certains ont pu apparenter à une forme de compagnonnage, a pratiquement disparu au profit de cursus balisés. On ne peut que s'en réjouir ! En effet, la spécialisation de plus en plus « pointue » qu'exige ce secteur d'activités entraînait bien la création de plates-formes de formation dignes de ce nom et tenant compte, dans l'enseignement proposé, des spécificités socio-économiques, artistiques et technologiques propres à ces métiers.

L'effort de réflexion mené par les pouvoirs publics et les professionnels concernés a débouché depuis cinq ans sur la mise en place de filières distinctes. Sans qu'il soit possible ici de les citer toutes, on retiendra tout particulièrement, au titre de la formation initiale, le diplôme dispensé par la FEMIS dans le cadre de son département son, très axé vers la connexion avec le monde de l'image (vidéo et cinéma). La FEMIS vient d'accéder au statut d'école nationale. A noter également l'ENSL (École nationale supérieure Louis Lumière), qui propose un diplôme d'ingénieur du son reconnu depuis longtemps. Les musiciens confirmés pourront prétendre à la formation du département son du Conservatoire national supérieur de musique de Paris. La formation continue est de plus en plus indispensable, tant l'évolution des outils et techniques est constante. Là aussi, l'offre s'est largement élargie. On citera les stages organisés par l'Ina qui disposent des moyens techniques les plus récents, notamment dans le cadre de l'audio- numérique. Le GRETA, centre de formation permanente de l'école Louis Lumière, est également sur les rangs. Signalons enfin le diplôme universitaire de directeur du son (Tonmeister) à l'université de Strasbourg II (centre Primus)

Il existe d'autres filières rattachées au secteur privé. Le pire y côtoie encore trop souvent le meilleur. La plus grande prudence s'impose donc, d'autant plus que le coût des études est généralement fort élevé. De ce point de vue, l'avis de professionnels est indispensable avant toute prise de décision. Ces remarques valent également pour les formations, initiales ou continues, dispensées à l'étranger. L'offre est pléthorique, plus particulièrement localisée sur le continent nord-américain et au Royaume-Uni. Contrairement aux formations issues d'établissements publics, ces diplômes ne donnent accès à aucune équivalence. Un point qui a son importance.

Pour y voir plus clair en matière de formation :

Un livre :
  • Initiation au son -- cinéma et audiovisuel, par Denis Fortier et Frank Ernould, ouvrage édité par la FEMIS.
Deux magazines :
  • Home studio recording (dossier formation à paraître début 1998)
  • Sono
Deux sites Web (parmi beaucoup d'autres) pour la participation à des forums, des prises de contacts, des conseils de professionnels et quelques propositions de stages : Enfin, la programmation des « machines à son », micro-ordinateur musical, harmoniseur et autres synthétiseurs est un domaine relativement nouveau dont la maîtrise par l'ingénieur du son est désormais sinon indispensable, du moins recommandée.
La polyvalence est également de mise. Le rapprochement entre les métiers du son et ceux de l'image, télévision en tête, nécessite en effet une connaissance technique et artistique de l'un et l'autre univers. Une pratique ou une expérience professionnelle dans l'un et l'autre domaine est incontestablement un atout, même si la spécialisation reste prédominante. L'audiovisuel impose des passerelles entre des mondes professionnels qui partagent aujourd'hui beaucoup d'éléments, outils, méthodes de travail et environnement socio-économiques. Il s'agit là d'une conséquence directe de la numérisation.

Multimédia

L'industrie du multimédia, dans lequel le son joue un rôle croissant, renforce encore cette indispensable multidisciplinarité. Dialogues, musiques et effets spéciaux en son 3D des jeux vidéo nécessitent des moyens importants et l'intervention de spécialistes, du mixeur au musicien. Comme au cinéma, ces jeux comportent des bandes son dont la sophistication technique et musicale repose en grande partie sur un travail d'équipe. Chaque son doit être conçu non seulement par rapport à une situation précise mais en tenant compte également d'impératifs et de contraintes dus à la programmation informatique, omniprésente dans le processus de création et la chaîne de production.

Le formidable développement des autoroutes de l'information va sans nul doute accentuer encore un peu plus ce rapprochement. A la connaissance des mondes de l'image, sous toutes ses formes, et de l'informatique, s'ajoute pour le technicien son celle, désormais obligatoire, des réseaux et des télécommunications. Si l'on en juge par la multiplicité des sites où le son est présent, voire où il est prédominant, il n'y pas d'inquiétude à avoir : les spécialistes ont su se saisir du Web dès ses premiers balbutiements2. En l'espace de cinq ans, le son en ligne est devenu une réalité et les expériences en tous genres se multiplient : studios virtuels, un concept prometteur dans lequel l'Ircam investit largement, banques de données musicales accessibles à distance, cyber-concerts, etc.

La radio est également en pointe dans ces domaines. L'exemple de la station « le Mouv ! », diffusée par Radio-France, est de ce point de vue caractéristique. Journalistes, animateurs et techniciens audio, qu'ils soient chargés de l'antenne ou de la production, ont dû se mettre en un temps record à la diffusion simultanée sur le net d'informations « multisupports », sonores, visuelles, textuelles, etc. Connectés entre eux sur des réseaux à haut-débit aux performances techniques sans commune mesure avec ce qu'autorise aujourd'hui Internet, les studios de demain partageront des banques de données musicales et multimédia, échangeront des programmes, des séquences, du temps de calcul. Certains visionnaires, comme le compositeur Thomas Dolby, envisagent même de procéder directement à la diffusion des œuvres à partir du studio lui-même, proposant ainsi une solution alternative et complémentaire aux canaux de distribution classiques comme le disque ou la radio.

Vers des tâches plus artistiques

On ne peut que le constater : face à tous ces bouleversements, le rôle, ou plutôt les différentes fonctions de l'ingénieur du son dans le processus de création et dans la chaîne de production ne peut qu'évoluer. L'une des questions principales consiste à connaître l'importance et la nature de cette mutation. Le rôle d'interface technique entre une série de machines et des hommes, qu'ils soient compositeur, musiciens, auditeurs, a tendance à s'effacer doucement. Plusieurs raisons à cela : tout d'abord l'évolution « naturelle » de ces fameuses machines, de plus en plus simples à utiliser, et dont la sophistication est par ailleurs grandissante. Cette simplification passe, par exemple, par le développement de programmes d'assistance automatique, que l'on peut consulter à tout moment. Courants dans le monde informatique, ces programmes rappellent par exemple un mode d'emploi, indiquent une procédure pas à pas, donnent des précisions ou des conseils en fonction d'une situation donnée...

D'autre part, le comportement et la fiabilité des équipements se sont largement améliorés. Bien entendu, la machine « zéro défaut » n'existe pas. On peut même ajouter que l'informatisation des équipements audio est encore trop souvent loin d'être évidente pour le béotien. A terme cependant, la généralisation des logiciels de détection automatique (éventuellement à distance) des dysfonctionnements d'ordre technique devrait permettre de résoudre une bonne partie des problèmes rencontrés au cours d'une séance.

Libéré d'une bonne partie des contraintes techniques, l'ingénieur du son évolue vers des tâches plus artistiques. Ainsi la fusion entre création et production n'a sans doute jamais été aussi prête de se réaliser. La réalisation des disques liés aux tendances Dance Music et apparentées est à ce titre fort significative. Qu'il officie en direct sur une scène ou en studio pour le disque, l'ingénieur du son se confond dans ce cas totalement avec le créateur, reconstituant des séquences, mélodies, grooves et autres patterns à partir de macro-cellules et éléments sonores disparates, échantillonnés, mixés, ralentis, filtrés, réverbérés... Il s'agit là d'un cas extrême, bien qu'ayant donné naissance à l'un des mouvements musicaux contemporains les plus iconoclastes mais aussi les plus populaires.

La prise de son proprement dite est également une spécialité encore relativement sauvegardée qui nécessite toujours une haute technicité et une grande expérience. Mais là encore, la dimension artistique du métier devient prédominante. Il est aujourd'hui courant qu'un technicien soit amené à suivre et donc lire une partition d'orchestre. De même, il est fréquemment amené à donner un avis sur une interprétation, jouant alors un rôle de directeur artistique ou de sound designer.

Les formations tiennent compte de cette évolution et insistent également sur la dimension psychologique, primordiale, du métier.

Économie

Sur un plan économique, on peut rappeler que les métiers du son n'échappent pas aux règles édictées par la productivité. Les tâches subalternes ont disparu les premières. Ainsi, le «  tea boy », qui apportait le thé dans les studios anglais ou s'occupait de caler les magnétophones, a totalement disparu. En effet, la robotique, comme sur les chaînes de montage automobile, a permis d'automatiser les consoles d'enregistrement, de radiodiffusion et de sonorisation. Autre conséquence, la plupart des studios n'embauchent plus d'assistants, dont la fonction n'est plus essentielle à l'heure du micro-ordinateur.

A l'évidence, il s'agit là d'une lourde erreur. En effet, l'assistanat représente un chaînon essentiel en matière de transmission du savoir, que les formations, même les plus pointues, ne sauraient remplacer. Les stages en entreprise (studio, salles de spectacles, radios, auditoriums, etc.) devraient être relancés sous peine de couper les étudiants d'un terrain particulièrement complexe et où l'expérience reste tout aussi indispensable que le diplôme. Heureusement, la pratique du studio personnel permet de pallier, en partie, à ces stages, en apportant une sorte d'apprentissage personnel qui ne peut être que bénéfique. Attention toutefois : comme son nom l'indique, le studio personnel est une activité solitaire qui ne remplace pas l'expérience collective que l'on peut vivre au sein d'une entreprise.

Malgré la crise, les métiers du son fascinent toujours autant. Le côté démiurge de l'ingénieur du son aux commandes de sa console suscite encore vocations et convoitises. Mais derrière l'image d'Épinal se cache une réalité tout à la fois complexe, riche et dure. Les aspects les plus techniques se sont estompés, poussés par la numérisation, l'automatisation et l'informatisation des équipements. Du coup, et plus que jamais, la dimension humaine, relationnelle et artistique de ces métiers pas tout à fait comme les autres prédomine. Le contexte professionnel est également en pleine redéfinition. Les structures les plus importantes ont tendance à se regrouper, ce qui diminue d'autant le nombre d'employeurs potentiels. Parallèlement, certains outils sont à la portée de toutes les bourses, ou presque, ce qui ouvre des champs d'applications dont certains restent encore à défricher.

L'époque est foisonnante, à condition toutefois de savoir s'adapter en permanence à un marché, ou plutôt une brassée de marchés, en pleine effervescence. Dans ce monde dominé par l'image, les «  grandes oreilles » sont plus que jamais indispensables.


Notes

  1. Techniques et métiers du son, sous la direction de Denis Fortier, Centre national d'action musicale (CENAM), mai 1986.
  2. Cf . Denis Fortier « La musique sur l'Internet », dans Résonance, n°11, janvier 1997.

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