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Caractérisation perceptive des bruits de véhicules
Patrick Susini, Stephen McAdams et Suzanne Winsberg
4ème congrès français d'acoustique, Marseille, France, avril 1997
Copyright © S.F.A., TEKNEA 1997
English version
RÉSUMÉ
To improve sound quality in cars, a preference map was created on the basis of several acoustic parameters relevant to auditory perception. A multidimensional scaling technique (CLASCAL) was used to reveal common perceptual dimensions shared by sets of car sounds, perceptual features specific to each sound, and the different subject classes among listeners. The listeners' task was to judge the degree of dissimilarity of all pairs of car sounds on a continuous scale. The analysis gives a perceptual spatial representation of the sounds. From this analysis, acoustic and auditory modelling analyses indicated that a number of stimulus parameters were strongly correlated with different perceptual dimensions and, where possible, with the specific features. A further experiment investigated the probability of one sound being preferred to another. An analysis of the data allowed a projection of the structure of listeners' preferences onto the physical parameter space underlying the previously determined multidimensional perceptual space. In many cases, it was found that the physical parameters having the most effect on the listeners' preferences were dependent on the set of stimuli being compared. Furthermore, when one stimulus parameter was kept constant across trials, this altered the effects of other parameters on the listeners' preferences.
1. INTRODUCTION
Dans le but d'améliorer la qualité sonore des habitacles de
véhicules, une étude perceptive a été
réalisée à l'Ircam en association avec les constructeurs
automobiles RENAULT et PSA-Citroën. Cette étude vise à
étudier de façon expérimentale les structures perceptives
qui sous-tendent la comparaison des sons de véhicules. 16 sons
enregistrés en régime stable sur piste au moyen de têtes
artificielles ont été présentés aux auditeurs dans
des conditions d'écoute contrôlées. Une première
étape consiste à déterminer les attributs perceptifs
communs à un ensemble d'auditeurs pour juger les sons les uns par
rapport aux autres. Une analyse multidimensionnelle CLASCAL (Winsberg & De
Soete, 1993a) permet d'obtenir une représentation graphique claire qui
révèle la structure perceptive sous-tendant les jugements en
terme de dimensions continues partagées par tous les stimuli et de
caractéristiques spécifiques ("spécificités")
à chaque stimulus. D'autres part, le modèle CLASCAL permet de
rendre compte des différentes stratégies dans les jugements,
correspondant à des classes de sujets, en déterminant le poids
des dimensions. De plus cette analyse permet de dégager les
propriétés perceptives spécifiques à chacun des
sons. Une phase d'analyse acoustique cherche à dégager les
paramètres des signaux qui sont corrélés avec la position
de chaque échantillon sur les dimensions perceptives. Une
dernière étape permet d'évaluer le degré de
préférence (ou inversement, de gêne) lié à
chacun des sons en fonction des paramètres acoustiques perceptivement
significatifs.
Le modèle de représentation perceptive ainsi obtenu procure aux
constructeurs un outil à partir duquel l'espace sonore des habitacles
peut être amélioré selon des critères
associés à la qualité auditive.
2. ÉTUDE DES DISSEMBLANCES
2.1. Méthode
2.1.1. Sujets et stimuli
Dans l'étude de la dissemblance, 30 sujets âgés de 25
à 45 ans ont été recrutés. Afin d'étudier
l'influence de certains paramètres sur la représentation
perceptive, 4 groupes de stimuli sont utilisés dans l'ensemble des
expériences. Les véhicules sont les mêmes pour chacun des
groupes. Deux régimes moteur sont envisagés. De plus, pour chacun
des régimes, le paramètre acoustique 1, est variable d'un
stimulus à l'autre dans un premier temps. Dans une deuxième
série d'expériences, ce paramètre est
égalisé sur l'ensemble des stimuli. La composition des 4 groupes
est résumé dans le tableau suivant:
|
Regime R1
|
Regime
R2
|
Parameter
1 variable
|
Group
1
|
Group
2
|
Parameter
1 constant
|
Group
3
|
Group
4
|
Tableau I : Composition des 4 groupes de stimuli utilisés.
2.1.4. Procédure
L'expérience a été effectuée en quatre
séances à raison d'une par groupe de sons. Toutes les 120 paires
différentes entre les 16 voitures ont été
présentées. Au début de la séance, le sujet
écoutait tous les échantillons du régime dans un ordre
aléatoire afin de se faire une idée de la gamme de variation
possible. Ensuite une quinzaine d'essais d'entraînement étaient
présentés afin qu'il se familiarise également avec la
tâche. Lors de chaque essai une paire d'échantillons était
présentée dans un ordre aléatoire. Un silence de 1
seconde séparait les deux sons. Le sujet effectuait son jugement
en déplaçant un curseur sur une échelle continue de
jugement, allant de très similaire à gauche (codé 0)
à très dissemblable à droite (codé 1). Une fois le
jugement entré, l'essai suivant était automatiquement
présenté.
2.2. Résultats
Une simulation Monte Carlo détermine le nombre de classes latentes qui
existent dans la population de sujets testés. Une seule classe
était suffisante pour rendre compte des données pour l'ensemble
des groupes de stimuli.
Une analyse pour un nombre de dimensions allant de 1 à 6 sans
spécificités et de 1 à 5 dimensions avec
spécificités a été effectué pour une seule
classe de sujets. Le log de vraisemblance indique que le meilleur modèle
est tridimensionnel avec spécificités pour le groupe 3 et
bidimensionnel avec spécificités pour les autres groupes. Une
représentation graphique des données correspondant aux sons du
groupe 3 est donnée en exemple sur la figure 1.
3. PARAMÈTRES PHYSIQUES SOUS-TENDANT L'ESPACE PERCEPTIF
3.1. Analyse acoustique
Un ensemble de paramètres acoustiques et psychoacoustiques 1,
2, 3, 4 et 5 sont choisis par une boucle
empirique qui consiste à chercher des paramètres qui sont bien
corrélés avec les coordonnées des stimuli sur une
dimension donnée.
Etant donné le caractère quasi-stationnaire des signaux, les
analyses sont fondées sur une analyse spectrale par la méthode de
Welch.
3.2. Résultats
Ci-dessous sont présentés les tableaux des coefficients de
corrélation entre les dimensions perceptives et les paramètres
physiques ou psychoacoustiques pour chacun des groupes. La probabilité
p, tel que les coordonnées perceptives et les valeurs du
paramètre acoustique soient indépendants, est de 1% (5%)
lorsque **p < 0.01 (* p < 0.05); on parle de "corrélation
très significative" ("corrélation significative").
|
Groupe 1 |
Groupe 2 |
Param. |
Dim. 1 |
Dim. 2 |
Dim. 1 |
Dim. 2 |
1 |
-0.92** |
-0.06 |
-0.91** |
0.28 |
2 |
0.09 |
0.80** |
- |
- |
3 |
- |
- |
0.43 |
-0.88** |
|
Groupe 3 |
Groupe 4 |
Param. |
Dim. 1 |
Dim. 2 |
Dim. 3 |
Dim. 1 |
Dim. 2 |
2 |
0.35 |
-0.7** |
-0.14 |
-0.93** |
-0.29 |
3 |
- |
- |
- |
0.51+ |
0.86** |
4 |
-0.81** |
0.32 |
-0.33 |
- |
- |
5 |
-0.32 |
0.00 |
-0.83** |
- |
- |
Tableau II : Coefficients de corrélation entre les données
perceptives et les paramètres physiques. La probabilité p tel que
les coordonnées perceptives et les valeurs du paramètre
acoustique soient indépendants, est de 1% (5%) lorsque **p <
0.01 (* p < 0.05); on parle de "corrélation très
significative" ("corrélation significative").
4. ÉTUDE DES PRÉFÉRENCES
4.1. Méthode
4.1.1. Sujets et stimuli
Dans cette étude, 60 sujets âgés de 25 à 45 ans ont
été recrutés. Les stimuli sont les mêmes que ceux
utilisés dans l'étude de la dissemblance.
4.1.2. Procédure
Toutes les paires d'échantillons différents ont été
présentées dans un ordre aléatoire. A chaque essai le
sujet entendait la paire d'échantillons une seule fois et devait choisir
celui qu'il préférait. Pour l'ensemble des sujets, une seule
demi-matrice triangulaire sans diagonale a été construite,
représentant la proportion de sujets qui ont
préféré un échantillon à un autre.
4.2. Analyse des préférences
Une entrée de la matrice de proportion de préférence
correspond à la probabilité qu'un des échantillons soit
préféré à un autre. Cette probabilité est
définie dans le modèle comme une fonction de la différence
des "utilités" des facteurs objectifs qui caractérisent les
échantillons (Winsberg & De Soete, 1993b). Dans l'analyse qui suit,
ces facteurs sont les paramètres physiques et psychoacoustiques qui ont
montré de bonnes corrélations avec les dimensions perceptives
dégagées de l'étude des dissemblances. Puisque les espaces
perceptifs avaient deux ou trois dimensions partagées, nous avons
testé différentes paires de paramètres. Le programme
d'analyse cherche une fonction qui transforme la valeur du paramètre en
une valeur d'utilité dont dépend la valeur prédite de
probabilité de préférence. Cette dépendance est
exprimée de la façon suivante :
pi,j = (ui - uj),
(1)
où pi,j est la probabilité de
préférer l'échantillon i à l'échantillon j,
est la fonction normale (gaussienne) cumulative, et ui
est l'utilité de l'échantillon i.
Plus la différence d'utilité entre les deux échantillons
est grande et positive plus l'échantillon i sera
préféré à l'échantillon j. La valeur
d'utilité n'est pas identique à la préférence, mais
a une relation monotone avec elle.
4.3. Résultats
Une représentation graphique des résultats permet de visualiser
l'évolution de l'utilité à la préférence
d'un stimulus par rapport à un autre en fonction de chacun des
paramètres physiques déterminés par l'analyse des
dissemblances. Dans le cas simple où le niveau acoustique serait un
paramètre retenu dans l'analyse, la fonction de son utilité est
représentée sur la figure 2.
Figure 1.Espace perceptif des stimuli du Groupe 3
Figure 2.Evoltion de l'Utilite du niveau acoustique
5. CONCLUSION
Dans une première série d'expériences effectuée
avec le paramètre 1 non égalisé, la famille de
paramètres qui domine largement les jugements de
préférence pour les deux régimes est liée à
ce même paramètre. Les paramètres secondaires varient selon
le régime et ont moins d'importance sur les jugements de
préférence. L'égalisation des échantillons selon le
paramètre 1 a permis de faire émerger d'autres facteurs
contribuant à la préférence. Dans ce cas, aucune famille
de paramètres ne domine les jugements de préférence pour
les deux régimes. De manière générale, la saillance
perceptive des dimensions n'est pas la même pour les deux régimes
R1 et R2, ce qui indique que l'importance relative des indices perceptifs
évolue avec le régime et le contexte.
Références :
Winsberg S. & De Soete G. (1993a) A latent class approach to fitting the
weighted Euclidean model, CLASCAL, Psychometrika, 58, 315-330.
Winsberg S. & De Soete G. (1993b) A Thurstonian pairwise choice model with
univariate and multivariate spline transformation, Psychometrika, 58, 233-256.
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