Résumé |
Les histoires de la musique française distinguent souvent un moment de l’entre-deux-guerres, marqué par la génération du « groupe des six », et un moment de l’immédiat après-1945 où c’est la « génération de 1925 » qui fournit le modèle de l’avant-gardisme. Ce point de vue n’est pas en soi inexact, mais il tend à masquer ce que la vie musicale des années 1944 et suivantes doit à la situation des musiciens dans les années 1940-1944. Pour beaucoup d’entre eux, comme Pierre Schaeffer, René Leibowitz, Olivier Messiaen, Pierre Boulez, etc., cette période aura été, sinon un tournant, du moins un moment décisif - que ce soit sur le plan institutionnel, dans leur formation, ou dans l’élaboration de leur esthétique. J’essaierai de montrer à partir de quelques cas de figures significatifs en quoi les débats esthétiques virulents et intenses des années 1944-1958 s’appuient sur des corpus et des démarches déjà constitués (au moins en partie) pendant la période incertaine des "années noires". Ce qui engage, à terme, une critique historiographique des récits de la modernité musicale produits pendant cette période, et jusqu’à aujourd’hui. |